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Spiral

De musique avant toute chose

Radiohead A moon-shaped pool (XL, 2016)

Ce n'est pas en rendant public son disque "on a sunday" que Radiohead va empêcher l'aura de mystère qui entoure chaque disque de fonctionner à temps plein: On a sunday est en effet le nom du groupe à ses tous débuts. Mais c'est du Radiohead 2016 pur jus, une fois de plus produit par Nigel Godrich, et interprété par Thom Yorke, Ed O'Brien, Jonny et Colin Greenwood, et Phil Selway.

Nous avions cette fois attendu cinq années, la plus longue période de hiatus entre deux albums de Radiohead... Et le prédécesseur était le controversé King of limbs, qui a déçu un certain nombre de fans. Pas tous, mais c'est assez normal que le groupe ait évolué, fort des carrières solo de trois de ses musiciens: Thom Yorke, Jonny Greenwood et Phil Selway. Yorke et Greenwood surtout, ont beaucoup fait évoluer le son du groupe vers ce souffle épique et extraordinaire qui domine dans l'album: d'un côté, le chanteur sonne apaisé, voire fataliste, se gardant de laisser libre cours à ses émotions. Une certaine sagesse a remplacé la hardiesse des années de jeunesse, avec l'arrivée imminente de la cinquantaine.

Les chansons parlent de séparation, de parcours qui s'effilochent, et la promo met l'accent sur la crudité visible du vieillissement, ce n'est pas un hasard. Greenwood, lui, apporte sa science établie dans des bandes originales de films pour P.T. Anderson, des arrangements de cordes: LE son qui domine cet album. C'est épique, grandiose, et la production de Nigel Godrich est comme d'habitude là pour servir au mieux la musique.

Mais les trois autres ne sont pas en reste, surtout Colin Greenwood et Phil Selway, dont la rythmique est à ce jour plus que jamais d'une cohésion et d'une inventivité dans les contrepoints, immédiatement reconnaissables. Ed O'Brien, il faudra s'y faire, est à la guitare un peu à la portion congrue, mais il est là et bien là, avec une science du son, du contrepoint, et du dosage, qui en font l'un des guitaristes les plus discrets... et les plus sous-estimés qui soient.

L'album a donc fait comme les autres: il a généré un buzz assez impressionnant, avant qu'on puisse l'entendre, et qu'on puisse essayer de commencer à en décoder tous ses petits secrets. Car avec Radiohead, ce n'est jamais immédiat, le sens prend son temps. Allez farfouiller sur le web, il y a déjà des théories sauvages sur le concept qui l'entoure... mais les chansons, finalement, parlent d'elles-mêmes: Burn the witch, à la pulsation soutenue, et introduite avant que les sons électroniques s'en mêlent, par des cordes; Daydreaming, au piano empreint d'une certaine gravité, propice à une méditation introspective qui finira dans un déluge de cordes et d'accords (guitares, claviers, etc); Decks dark, et son rythme introduit là encore dans un certain flou, avant que conjointement Thom Yorke et Jonny Greenwood (piano) n'y mettent bon ordre, pour une chanson à la mélodie parmi les plus belles de l'album; Desert island disk et ses guitares acoustiques revenues de loin; Ful stop qui au contraire va chercher le beat dans l'électronique et les effets, avec bonheur; Glass eyes, une ballade qui puise dans le talent de Thom Yorke pour doser son expressivité; Identikit semble toute droit sortie de In Rainbows, avec ses atmosphères changeantes: elle mérite lune palme pour le lyrisme de ses interventions chorales; The numbers est une belle illustration du mélange des guitares acoustiques et des claviers selon Radiohead; Present tense louche une fois encore vers In Rainbows (donc vers OK Computer...); Tinker tailor soldier sailor rich man poor man beggar thief joue sur une  tension austère apportée par une rythmique réduite au minimum, et sur une réverbération assez extrême; enfin, True love waits est une ballade acoustique qu'on a attendue 15 ans: l'amour, le vrai, attend; les fans aussi!

Voilà, je disais qu'on va pouvoir le triturer dans tous les sens, cet album... Mais on peut aussi tout simplement l'écouter: c'est une merveille de dignité, et d'invention sonore. Comme avec OK computer, Kid A, Amnesiac et In rainbows, le groupe a soigné son disque au-delà de la simple collection de chansons, pour nous offrir une oeuvre singulière et qui tranche à peu près sur tout ce qui existe. Reste un certain nombre de questions, qui seront probablement toujours sans vraie réponse: pourquoi avoir placé les titres de l'album par ordre alphabétique (sans que l'ordre ne débouche, au contraire, sur une impression d'un placement arbitraire...)? Si True love waits, déjà parue en 2001 sur un live, s'imposait ici, pourquoi ne pas en avoir profité pour placer Lift, l'un des morceaux inédits (à l'époque du moins, car il est sorti en 2017) les plus souhaités par les fans? Quel est le sens de la "phrase" mystérieuse prononcée à la fin de Daydreaming? ...à quand le prochain album?

 

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