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Spiral

De musique avant toute chose

Hubert Fol Quartet You go to my head (Barclay, 1956)

C'est en 1956, avec René Urtreger au piano, Jean-Marie Ingrand à la contrebasse et Jean-Louis Viale à la batterie que cet EP de trois titres a été enregistré; on peut sans doute dire que le post-parkérien Hubert Fol, en dépit de sa place prépondérante dans le coeur des amoureux Français du jazz, est totalement lessivé au moment d'enregistrer ces trois morceaux... Ce n'est pourtant pas faute d'avoir occupé le terrain!

Révélé dans les années 40, comme beaucoup de jeunes loups du jazz hexagonal (Roger Guérin, Bernard Peiffer, Jean-Claude Fohrenbach, Pierre Michelot ou Michel de Villers viennent à l'esprit, et si je n'ajoute ni René THomas ni Bobby Jaspar, c'est sans doute en raison de leur Belgitude), Fol était un altiste précieux, héritier de Charlie Parker et rompu aux tempos casse-cou (écoutez ses impressionnantes contribution au quintette de Django Reinhardt et vous en conviendrez), mais un bopper pas forcément attiré par le sur-place. Et s'il n'a pas été beaucoup enregistré en vedette, c'est peut-être précisément parce qu'il cherchait. La note juste, la bonne température, le bon tempo... Il ne se satisfaisait pas de refaire son be-bop chimiquement pur des années 47-48, et cherchait à s'adapter aux nouvelles donnes, en compagnie des uns (Sacha Distel, avec lequel il tenta d'imposer un quintet qui suivait la ligne passionnante du jazz cool, avec un soupçon de canaillerie en plus) et des autres (aussi bien le gardien du temple, le batteur Moustache, que les géants de passage Coleman Hawkins ou Johnny Hodges, ont apprécié d'enregistrer avec lui.)... Il pouvait tout jouer, le faisait avec bonheur, mais comme le faisait remarquer Bobby Jaspar, son ami qui lui avait pignon sur rue, et enchaînait les disques, chaque solo de Hubert Fol l'impliquait émotionnellement, chaque note comptait...

C'est pour ça que je ne peux que recommander ce superbe disque, trois titres qui sont les seuls enregistrements en solo d'un génie du sax alto devenu sideman de luxe, qui n'avait pas forcément envie de dévoyer son art coûte que coûte: ça commence avec lyrisme par un You go to my head, une ballade superbe prise en tempo justement lent, sur laquelle Hubert Fol laisse libre cours à la beauté du son de son alto. Il laisse malgré la relative austérité d eson solo, transpirer une certaine inquiétude, qui est reprise à son compte par René Urtreger, très en verve sur un solo qui complexifie totalement les lignes mélodiques que Fol avait voulu garder très sobres. le saxophoniste revient ensuite, pour un dernier passage en improvisation avant d'énoncer le thème.

...Et la coda, surprenante et a capella, emporte tout sur son passage!

A fine romance est pris pour ce qu'il est c'est-à-dire une fête sonore sur laquelle l'altiste déboule en maître, en pleine possession d'un son fabuleux, où quelques restes parkériens se disputent avec une enveloppe sonore décidément acquise au son cool, comme on disait, ce jazz si fascinant dans lequel se reconnaissaient la plupart des jazzmen Français et Européens situés à Paris dans les années 50. La compatibilité de Fol et de sa rythmique, particulièrement de René Urtreger qui a droit à un court mais passionnant solo, est évidente. On a droit aussi à quelques échanges excitants avec Jean-Louis Viale.

La fête donc se termine avec You can't take that away from me, sur lequel on retrouve le son direct du leader, qui prend le thème pour en caresser les notes avec gourmandise. Son solo, qui suit, est une aventure pleine d'esprit, et il s'amuse à chercher dans sa besace des passages be-bop fulgurants. René Urtreger, toujours dans l'ombre de Bud Powell (une ombre dont il avait conscience, n'en doutons pas, ayant lui-même enregistré un album à la gloire du pianiste Américain), lui emboîte la pas avant un retour au thème sur lequel Fol se permet quelques dernières variations...

Ces quelques douze minutes sont trop courtes. C'est leur seul défaut...

Si on veut trouver ces faces sur un disque, un vrai, on pourra soit se procurer l'anthologie Jazz in Paris Saxophones à St Germain des Prés, soit acheter le double CD suivant, particulièrement recommandé dans la mesure où il fait ce qu'aucun disque n'a jamais fait: nous procurer une intégrale des enregistrements de Hubert Fol en leader recensés à ce jour, ainsi que quelques pépites inattendues:

 

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