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Spiral

De musique avant toute chose

Supertramp Land ho / Summer romance (AM Records, 1974)

Il fallait, sans doute, un hit. Un succès, quoi: quelque chose qui envoie le message à A&M records, que Supertramp n'était pas que le coûteux caprice d'un mécène Européen, mais bien un groupe amené à faire de grandes choses sur un terrain que le label souhaitait conquérir: un entre-deux, à mi-chemin entre les extravagances du rock progressif Anglais, et la pop inoffensive qui passait à la radio. Mais aucun des deux premiers albums ne pouvaient à ce niveau leur donner satisfaction. Donc: un single, peut-être? Un exercice que Supertramp n'avait pas encore vraiment pratiqué: seuls trois titres de leur deuxième album Indelibly stamped avaient été utilisés sous cette forme, sans qu'aucune véritable promotion n'ait été effectuée par le label.

La formation du groupe elle-même avait été jusqu'à 1972 une suite rocambolesque d'auditions, de tentatives, et les deux albums avaient été effectués avec un line-up différent. Seuls maîtres à bord, seuls dénominateurs communs aussi, Rick Davies et Roger Hodgson... Mais l'arrivée du bassiste Dougie Thomson en 1972, puis celles du batteur Bob Siebenberg et du saxophoniste John Helliwell avaient au moins le mérite de permettre la création d'un groupe solide, qui allait pouvoir progresser très vite, et surtout les trois musiciens ont été engagés sur la base de ne pas s'impliquer dans la composition: un interdit qu'aucun des trois n'allait jamais enfreindre. On devine que l'enregistrement de leurs deux premiers albums n'avait pas dû être de tout repos, lorsque des musiciens (le guitariste Carl Palmer en 1970, ou le flûtiste Dave Winthrop en 1971) voulaient se risquer sur ce terrain.

Pas de surprise donc, avec ce premier disque de l'équipe: une face pour Hodgson (bombardé automatiquement faiseur de succès, une position dont il allait user et abuser durant 8 années, avec de très belles preuves de son savoir-faire) et une pour Davies. 

Land Ho est une chanson haut perchée, aux arrangements ambitieux et au son qui tranche sérieusement sur le folk-rock-jazz avant-gardiste et fumeux de Indelibly stamped. On y trouve des éléments qui vont vite être les ingrédients typiques du "son Supertramp": le piano qui prend la place habituellement réservée à la guitare, dans les groupes de rock plus traditionnels; ce qui n'empêche pas cette dernière d'être très présente: une guitare acoustique se fait entendre dès le premier refrain, et une électrique participe en concurrence avec plusieurs saxophones au son global des couplets et du pont. La rythmique est d'une grande précision, avec le talent particulier de Dougie Thomson pour propulser les autres éléments harmoniques. Une guitare solo se fait occasionnellement entendre, dans un ensemble à la texture particulièrement riche.

Hodgson, dans sa chanson, se représente en marin en quête de terre comme il était lui-même en quête de sens. On peut aussi bien considérer le texte comme une sorte de fourre-tout romantique, que comme une étape importante dans la carrière de son auteur, qui n'en finira jamais de philosopher à travers les chansons qu'il écrit. La chanson par contre n'a décidément rien à voir avec ce que deviendra l'album Crime of the century: pas étonnant qu'au regard du manque de succès de ce single, la décision ait été prise de ne pas l'inclure. On le sait moins, mais Land ho a aussi été remixée (la version la plus courante est justement ce nouveau mixage) pour inclusion éventuelle sur Crisis, what crisis?... Une autre version de Land ho, enfin, a été enregistrée (et le son synthétique n'en est pas convaincant, loin de là) sur Hai hai, l'album médiocre avec lequel Hodgson a pris congé de son label A&M en 1987. Oublions-la.

Summer romance, en moins de trois minutes, installe le style Davies: piano clair pour commencer, et une rythmique qui soutient de façon gouleyante un climat fortement teinté de blues. Le chanteur y est excellent, accompagné par le saxophone ténor et la guitare. Si elle n'est pas aussi exceptionnelle que d'autres à venir, c'est un bel effort, qui en fait une excellente face B. Comme John Helliwell s'y illustre par un excellent solo très riche, c'est une jolie cerise sur le gâteau. Connaissant Davies, on ne sera évidemment pas surpris d'entendre que la chanson raconte un fiasco lamentable: comment lors d'un bal, le narrateur oit un sale type lui piquer sa copine. Le seul refuge? le sarcasme... Du Rick Davies tout craché...

...Mais là aussi la face B ne sera pas reprise sur l'album à venir: c'est que le groupe avait une idée, un concept bien précis, et que ces deux chansons ne s'accordaient pas avec les huit autres. Dommage pour elles, tant mieux pour Crime of the century. Maintenant on doit reconnaître à A&M l'élégance de ne pas avoir tenu compte du manque de succès de ce single, et d'avoir laissé le groupe libre de réaliser leur album comme ils le souhaitaient... En attendant, il est toujours intéressant de fouiller les poubelles de l'histoire, comme le prouvent ces deux chansons certes mineures, mais pas indignes.

 

 

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