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Spiral

De musique avant toute chose

Blur The great escape (Food/Parlophone, 1995)

Stereotypes / Country House / Best days / Charmless man / Fade away / Top man / The universal / Mr Robinson's Quango / He thought of cars / It could be you / Ernold same / Globe alone / Dan Abnormal / Entertain me / Yuko and Hiro

Produit par Stephen Street.

Singles: Country House (Aout 1995) / The universal (Novembre 1995) / Stereotypes (Février 1996) / Charmless man (Avril 1996) / It could be you Mai 1996

Quand la guitare saturée de Graham Coxon entame les festivités on est tout de suite en territoire connu. C'est un fait: ce quatrième album ne se pose pas en révolution esthétique. Venons-en tout de suite au faux débat: The great escape, sorti seulement 17 mois après le précédent album du groupe, doit-il être considéré comme étant Parklife, volume 2?

C'est généralement la réputation de cet album, dont les membres du groupe n'aiment pas trop se souvenir. Il faut dire que la chose a été enregistrée dans une période de folie, les albums s'enchaînant à un rythme trop rapide, les singles se suivant à la queue leu leu, les télés, les concerts... et la coke consommée en grandes quantités selon la légende, ajoutait probablement aussi bien à la confusion, qu'à l'agitation!

Bref, Damon Albarn, Graham Coxon, Alex James et Dave Rowntree vivaient à cette époque une sorte de lendemain de fête permanent, qui finissait par ressembler un peu trop à une version malade de la fête de la veille. Les médias étaient à l'affût, mais ne s'intéressaient que moyennement à la musique: non, le principal sujet de conversation autour de Blur était supposé être leur rivalité imaginée avec Oasis. Les deux groupes, à ce niveau, ont d'ailleurs un peu trop joué le jeu, qui a culminé dans un double face à face. En sortant un single au même moment, Blur a gagné avec l'excellent Country House. Mais Oasis, et c'est bien là le problème, a gagné de son côté la bataille des albums avec leur deuxième disque, What's the story (morning glory), qui a été d'une certaine façon la bande-son de 1995. D'ailleurs, Blur l'avait-il anticipé? Ecoutez Country House, à 1:02: "He's got morning glory, and that's a different story"...

Mais l'album n'est pas moins bon que What's the story... Ce serait même le contraire, il tient remarquablement bien la route, et n'a quasiment pas de scories. Il faut juste accepter de faire le voyage sur les 55 minutes de son déroulement. La pop y est luxueuse, rigolote, et dansante. On y parle encore de la vie en Angleterre comme dans les deux précédents (Mais Damon Albarn révèle que le groupe n'a pas réussi à trouver une troisième expression aussi parlante que Modern life is rubbish, et Parklife pour nommer cet album dans la continuité des deux précédents), mais l'heure n'est plus à la fête, fut-elle décérébrée. A travers beaucoup de ces chansons, il est question de solitude et d'éloignement. Eloignement physique, partir loin de la ville (Country house), ou s'éloigner des siens à travers le mirage de l'échangisme (Stereotypes); être différent c'est être anormal, et il faut bien dire que Dan Abnormal est de toute évidence un très bel anagramme de Damon Albarn... The charmless man est une chanson à la musique flamboyante (La guitare de Graham Coxon!!), mais qui raconte quand même un échec humain cuisant, celui d'un type qui est persuadé que son rang social vous fera automatiquement l'aimer... La réussite y est ironique (Top man), et les cuivres triomphants de Country house laissent bientôt la place à un trombone certes swinguant, mais empreint de spleen sur Fade away. Le tout est de toute façon extrêmement personnel, et Albarn ne nous le cache d'ailleurs pas: It could be you... could be me! Ce "Me" revient avec insistance sur de nombreuses chansons de l'album.

Et puis que penser de The universal, cette magnifique suite formelle de To the end, la très belle ballade au centre de Parklife? On y imagine un futur normalisé, prévisible, dans lequel toute aspérité est gommée, et donc la vie n'a plus la moindre existence. En bonne ironie, le groupe y place un arrangement grand luxe, comme du reste sur tout l'album. Peut-être était-ce ça, après l'impression d'un Parklife bricolé dans un coin du studio, qui avait gêné tout le monde? car The great escape est un album à gros budget. Mais... le budget est là, certes, mais tout y est bien utilisé, et ça va au-delà d'un ratio raisonnable budget/qualité, si je puis me permettre de parler en ces termes peu artistiques: quand Yuko and Hiro, la chanson vide de sens qui prend congé de l'auditeur en saluant les deux choristes se termine, que voulez-vous: c'est poignant.

Ce qu'on ne savait pas la première fois qu'on l'avait entendu, c'est que cet adieu à peine ironique était celui de Blur a ce que des publicistes peu inspirés avaient appelé la "Britpop". En attendant, même si eux n'en ont pas de bons souvenirs, il est toujours fascinant de se plonger dans ce très bel album, fait par quatre personnes qui auraient bien du mal à se prendre sans rire pour des gagnants, et oui: le dos de la pochette, avec ces quatre gravures de mode en homme modernes des années 90, est évidemment un beau moment d'ironie. derrière tous ces sourires, il y a le destin de tout être humain, incarné par la bestiole ci-dessous:

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