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Spiral

De musique avant toute chose

Steven Wilson The Harmony Codex (Virgin, 2023)

Il n'en finit plus d'occuper le terrain. Je pense qu'aujourd'hui Steven Wilson agace autnt qu'il fascine, tout dépend si vous êtes ou non sensible à sa musique... Mais il lui arrive aussi, et ce n'est pas banal, d'agacer précisément ses fans. Ne lisons pas les commentaires sur internet, car comme hacun sait ceux qui prennent la plume sont le plus souvent motivés par le besoin d'être négatif, mais pour beaucoup des fans de la première heure, ceux qui ont aimé Steven Wilson en héraut d'un genre en voie de complète disparition (le rock progessif), il n'a manifestement pas le droit de s'écarter du genre, tel qu'eux le considèrent. Pour certains, les albums To the bone (2017) et The future bites (2020) sont des albums "pop" et le termeest à prendre à son plus péjoratif...

Bon, je rappelle qu'à une époque le terme était une contraction de Popular music, et qu'il désignait aussi bien les Beatles, que Soft Machine, les Hollies que Frank Zappa... Ensuite, les deux albums incriminés (qui se sont du reste fort bien vendus) étaient des constructions complexes, basées sur des concepts intéressants. Le désir de variété qui les animait était évident, et l'envie de Wilson de se confronter à des formats plus accessibles au grand public (ce qu'il a toujours fait, y compris à l'époque héroïque de Porcupine Tree: In absentia, Deadwing, Fear of a blank planet): les chansons structurées et hyper-mélodiques de 4 minutes, on en trouve après tout dans tous ses albums, et on pourrait même imaginer une compilation qui contiendrait Harmony Korine, Postcard, Drive home, Perfect life, Happiness III, Permanating, et 12 things I forgot. On pourrait aussi tant qu'à faire y ajouter le single de 2018, How big the space, et tant qu'à faire glisser à l'intérieur le deuxième morceau de ce nouvel album, What life brings... Ce ne serait absolument pas un disque avant-gardiste. Mais je vous assure qu'il ne manquerait pas d'attraits. 

Prenant une fois de plus le parti de partir là où on ne l'attend pas, l'artiste choisit de réaliser un disque inclassable, au sens strict du terme. Impossible à assimiler à une niche, comme dit les anglo-saxons, à un genre sacro-saint et hyper-défini par les exigences des fans les plus sectaires, ceux qui ont reproché à Wilson de vendre des disques avec Permanating, ou à Genesis de devenir populaires... 

The harmony codex repose une fois de plus sur un concept pratique, moins franchement marqué et transparent que The future bites (dont chaque aspect y compris sa relative accessibilité faisait partie justement du projet artistique), mais qui passe par cette représentation d'un escalier aux carrés colorés... Un thème, celui de l'élévation, qui passe aussi par des titres comme Staircase, la cage d'escalier... Un voyage à travers des étapes instrumentales ou chantées, des chansons aux univers différents et complémentaires, chaque plage partant dans une direction unique, autant de titres que de "cubes" dans la forme qui orne le design. Autant d'étapes dans un voyage sensoriel et exigeant, qui emprunte aux riches heures du rock progressif, forcément, avec ses tempos fous, ses ruptures de ton, ses climats élaborés (Impossible tightrope, Beautiful scarecrow, Staircase), mais aussi au Krautrock et aux autres formes de musique électronique savante de Kraftwerk, Eno, Tangerine Dream (Inclination, The Harmony Codex), à la pop Anglo-saxonne classique (What Life Brings, Rock Bottom), et même à un peu tout ça en même temps (Economies of scale, le premier extrait diffusé, qui passe des percussions robotiques abominables qu'on entend aujourd'hui dans toutes les chansons de sous-rap de troisième ordre, aux sons hallucinants de clavier du vieux complice Adam Holzman, avec en prime des harmonies vocales de la plus belle eau... Vous avez dit provocateur?

On retrouve aussi le talent impressionnant pour varier les sons, agencer de façon toujours subtilement originale les parties de ses constructions parfois improbables... Il est clair que Wilson n'est pas qu'un musicien, il est aussi un producteur et un ingénieur du son surdoué, qui a beaucoup appris de son expérience de mixeur et remixeur de classiques (XTC, Gentle Giant, King Crimson, ELP, mais aussi Tears for fears). Et le petit monde qui l'assiste, la chanteuse Ninet tayeb bien sûr, le pianiste Adam Holzman, le guitariste Niko Tsonev, le batteur Craig Blundell mais aussi des artistes comme Guy Pratt, Nick beggs, Pat Mastoletto...

Il est temps de rappeler que dans les influences les plus notables de Steven Wilson, il est une artiste qui a montré le chemin, travaillant sous son seul contrôle à des albums qui transcendaient complètement les genres et les chapelles, avec des sommités musicales venus des horizons les plus divers (John Giblin, David Gilmour, Prince, Youth, Danny Thomson, Nigel Kennedy...) qu'elle dirigeait vers son propre but, et qui à chaque album a réussi non seulement à maintenir ses exigences mais aussi à rencontrer le succès. Kate Bush, dont Steven Wilson a constamment rappelé l'importance, a elle aussi rencontré le succès, bien mérité du reste. Mais qui dira que sa musique est quelconque, ou même (le vilain mot) "commerciale"? 

Non, je crois qu'il suffit aujourd'hui de s'installer bien confortablement et d'écouter l'album de Steven Wilson; l'écouter, pas le "consommer" comme vous êtes invités à le faire sur les sites de destruction de masse de la musique que sont Spotify, Deezer ou Youtube. Vous verrez, si vous vous laissez aller; c'est tout simplement, en un mot, 

beau.

 

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