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Spiral

De musique avant toute chose

Pugwash Play this intimately (as if among friends) (Omnivore, 2015)

Le sixième album de Pugwash ressemble... aux autres albums du groupe. Il y eut d'ailleurs un temps où le mot «groupe» ne s'appliquait pas vraiment, Pugwash étant surtout l'affaire d'un seul homme, le chanteur, auteur, compositeur et guitariste Thomas Walsh, un Irlandais fasciné par la pop classique, surtout Anglaise. Album après album, il livrait dans les années 2000 des compositions étonnantes par leur authenticité, le savoir-faire dont il faisait preuve, et l'univers chatoyant qu'il convoquait, un monde à part, fait de couleurs, de textures musicales qu'on croirait presque survenues d'une autre époque... Mais tout seul, on ne va pas très loin, le nom de Pugwash, faux groupe, lui a permis de faire appel à d'autres musiciens (Duncan Maitland, Tosh Flood, Andy Partridge, Dave Gregory, Neil Hannon...) au fur et à mesure des enregistrements, et parfois de faire de la scène.

En 2010, changement radical de plan: désormais Pugwash sera un groupe, avec trois autres musiciens permanents. Le premier effet sera un album, sorti en été 2011, et absolument magistral, The Olympus Sound, enregistré pour EMI dans un premier temps, et dont le line-up était enfin celui d'un quatuor «à l'ancienne»: au chant et à la guitare de Thomas Walsh, s'ajoutèrent donc la guitare lead de Tosh Flood, la basse de Shaun McGee et la batterie de Joey Fitzgerald... L'expérience étant plus que positive, c'est le même groupe qui revient sur ce nouvel album qui arbore une pochette très connotée, au pays des collectionneurs de sillons...

Clairement, il n'est pas question d'explorer ici en dehors du canon défini par les obsessions musicales du fan et connaisseur qu'est Thomas Walsh, d'ailleurs partagées par ses trois copains tout aussi connaisseurs que lui (il a circulé une vidéo d'une visite à Abbey Road durant laquelle ils ont interptrété une magnifique reprise à capella,impromptue, de This boy, des Beatles): dans Pugwash, vous entendrez un zeste de ELO, un soupçon des Kinks, une grosse rasade de groupes en B (des deux côtés de l'Atlantique), et des portions gouleyantes de Honeybus... Ce n'est pas qu'une recette, c'est aussi et surtout une culture. Celle d'un ensemble de personne qui ont perçu la beauté inimitable des miniatures musicales concoctées en leur temps par d'indéniables génies... Et d'album en album, de chanson en chanson, c'est un artisanat d'orfèvre qui s'est mis en place, avec un talent incroyable pour mettre en scène ces miniatures dans une fête sonore qui réussit encore, pour la sixième fois, à surprendre, et toujours à satisfaire l'appétit pop de l'auditeur fidèle. Et en plus, u détour d'un morceau, on entend les voix magiques de... deux des héros de Thomas Walsh, je vous laisse d'ailleurs découvrir qui ils sont. Et Jeff Lynne, autre grand héros de Thomas Walsh, lui a fait l'amitié de venir prononcer quelques mots sur Kicking and screaming...

Dès les guitares denses, impeccablement saturées (ni trop ni trop peu) et les harmonies vocales de Kicking and screaming, on est en terrain certes connu, mais si confortable... Les tempos sont généralement assez moyens (Lucky in every way, Hung myself out to dry) Ce qui n'empêche pas Thomas de nous amener parfois sur un terrain moins familier comme avec Feed his heart with coal, qui sort du cadre pop, en jouant la carte du mélange, mi-country, mi chanson à la Honeybus... La country «altérée» revient avec You could always cry... Les ballades sont luxueuses (Just so you know, The fool I had become,), agrémentées ici plus volontiers de Mellotron que de cordes, car l'idée de cet album était de se concentrer autour du groupe, devenu potentiellement auto-dépendant... Les clins d'oeil à une musique d'un autre temps, sans la moindre volonté de pasticher ou parodier, incluent aussi un rappel de la façon dont la pop «de luxe» a inclus des traitements «exotiques» du rythme, comme avec Clouds, qui se joue d'un faux-air de bossa nova tout en multipliant les ingrédients de la pop légère psychédélique... Le tapis de guitares acoustiques, de piano, de choeurs sur Oh happy days nous confirme que si parfois on parle des douleurs de la vie, il y a beaucoup de plaisir à prendre aussi...

D'aileurs si es paroles sont souvent tournées vers le domaine de l'amour, plus pour ses peines que ses joies, l'album propose un changement radical depuis The Olympus Sound: s'il chante en effet les peines de cœur (I was a fool to give you everything, dans The fool I had become), Thomas Walsh a aussi trouvé une muse, et nous le fait savoir notamment avec Silly love et son tempo sautillant, ses guitares à la McCartney...

A propos de guitare, la présence permanente de Tosh Flood ici, donne une cohérence impressionnante à l'ensemble, qui sonne effectivement comme un groupe avec son univers même si les chansons sont toutes de Walsh lui-même. Et les deux complices de la rythmique, impeccables de bout en bout (McGee est un bassiste très mélodique, totalement à l'aise avec l'esprit de ces chansons, et Fitzgerald un batteur sûr et tout en retenue). Le plaisir pour qui aime cette musique éternelle, est entier.

Pourtant, le sort de cet album n'a pas été aussi positif que l'on aurait pu croire. Si il a prolongé l'expérience de confrontation avec le public qu'était The Olympus Sound, il a aussi été victime d'une certaine froideur polie, le succès n'étant pas au rendez-vous. Il est vrai que les changements de consommation du public ont condamné les artistes confidentiels, j'y reviendrai. Et une tournée Américaine de petite envergure, programmée et commencée dans la joie de rencontrer un public généralement conquis après la sortie de l'album, a débouché sur un fisaco après que Joey Fitzgerald ait développé une condition médicale qui l'empéchait de poursuivre... Devant l'échec de la tournée, le sort du groupe était hélas scellé, et celui de l'album avec.

Et alors qu'il avait vendu des disques de façon certaine avec ses premiers efforts sous le nom de Pugwash, et été fêté notamment pour sa chanson It's nice to be nice qui reçut des prix et en particulier un qui lui sera remis par Brian Wilson lui-même, Thomas Walsh est donc devenu une victime de ce que d'aucuns appelleront un progrès... Car oui, vous avec toute la musique que vous voulez à portée de clics. Mais les artistes sns rien avoir perdu de leur talent ne sont plus rémunérés à leur juste valeur. Deezer ou Spotify sont les exploiteurs du musicien... Financé par un système de kickstarting, mais dépendant des necessités d'être enregistré dans un vrai studio, ce sixième album verrait-il le jour aujourd'hui?

Pugwash n'existe plus, en dépit d'un album de 2017 (entièrement ou presque enregistré aux Etats-Unis par Thomas Walsh avec l'excellent Jason Falkner, donc c'est plus un effort solo déguisé en album de groupe), Silverlake. Il est excellent, mais ne rencontrera pas plus le succès que celui-ci. Et cet automne, Thomas walsh réalisera son premier album sous son nom. Quelque chose me dit qu'on y retrouvera un univers familier... Là encore ce fut une entreprise de Kickstarting, qui fut difficile, rendue encore plus compliquée à l'heure où les labels ne veulnt plus vendre de musique de qualité à moins qu'elle rapporte des millions. C'est hélas mal parti... Mais on va quand même soutenir l'artiste: en format physique. Achetez vous un lecteur, quoi, et lâchez-moi ce Smartphone!

 

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