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Spiral

De musique avant toute chose

Electric light orchestra Elodorado (United Artists, 1974)

Dans les années d'activités "en groupe" de ELO, entre 1972 (Electric light orchestra) et 1986 (Balance of power), on peut sans doute distinguer trois périodes. Les trois premiers albums montrent la difficile transition depuis un groupe qui était une émanation de The Move, avec Roy Wood et Jeff Lynne se partageant le leadership, et un groupe de sept musiciens menés par un seul homme, Lynne devenu seul maître à bord, unique compositeur, et chanteur soliste. Une deuxième période, l'age d'or officiel, qui les voit tisser un son très particulier, fait de rock-pop très accessible dans une formation avec guitare et claviers, et d'arrangements de cordes, de choeurs et d'orchestre, sans parler des deux violoncellistes et du violoniste qui font directement partie de la formation et l'accompagnent en tournée... Quatre albums qui sont supposés, selon les fans les plus orthodoxes, représenter le groupe à son meilleur: Face the music, New world record et Out of the blue qui tous font suite à celui-ci, le seul à oser prétendre être une symphonie (c'est spécifié en sous-titre sur la pochette)... La troisième (de Discovery à Balance of power) est considérée par les mêmes fans comme celle du renoncement: aux trois instruments à cordes, qui sont remerciés; à une musique plus organique car les synthétiseurs prennent de la place, et d'une manière générale à ce qui faisait le caractère du groupe et sa spécificité. 

Bon, les avis sont partagés, je n'ai jamais caché que cette troisième période avait mes faveurs! Mais examinons ce quatrième album qui est un projet très ambitieux, et probablement le premier disque cohérent d'ELO...

"Symphony", disent-ils... On aurait sans doute aussi pu parler d'opéra, tant ici la musique est effectivement ambitieuse, et présentée avec de nombreux emprunts au classique, mais le chant occupe une place prépondérante... En huit étapes, soit huit chansons (introduites et conlues par une ouverture et un final), Lynne raconte une histoire, celle d'une évasion par un monde merveilleux, d'un homme qui se trouve si bien dans cet "autre" monde où il s'aventure, qu'il décide d'y rester... Un concept vague, comme de juste, qui peut aussi bien être interprété comme une métaphore du rapport à la musique, que comme une histoire de suicide emballée dans un papier brillant avec des paillettes...

Une fois admis ceci, penchons-nous sur ce qui est important: la musique. Jeff Lynne n'a jamais prétendu être un messager, et a toujours choisi ses concepts pour leur facilité à permettre une variété de styles, d'harmonies et de mélodies, que pour leur portée visionnaire! Néanmoins, cette fois, avec ce qui est le premier vrai concept album du groupe, le thème et "l'intrigue" choisis permettent de donner une vraie unité, qui se traduit en un flot narratif remarquable. La façon dont les morceaux s'enchaînent, les chansons étant parfois séparées de petits interludes naviguant en romantisme et baroque (arrangés et conduits par Louis Clark, qui devenait de fait un partenaire régulier pour Lynne), la ventilation entre ballades à tomber par terre (Can't get it out of my head) et morceaux plus rapides (Poor Boy) ou plus franchement durs (Illusions in G major, du pur rock seventies), et la richesse mélodiques, sont emballantes, effectivement.

Et l'album réussit à créer quelque chose de neuf, en usant d'artifices pour la première fois, qui reviendront, et certains reviendront un peu trop, tombant parfois dans l'excès (Rockaria, sur New world record, tend à me gâcher l'album), mais ce sont bel et bien des artifices... Et sinon, même dans sa Symphonie auto-proclamée, où il cite parfois Shakespeare (Go to sleep, perchance to dream, sur Mister Kingdom), Lynne ne pourra s'empêcher de sortir de son chapeau un peu de rock 'n roll de consommation courante! Tout ceci tend à trahir le côté futile de l'entreprise, et cela ne doit en aucun cas être pris comme une critique... Car ELO, c'est comme les Rubettes, mais avec un peu plus de poils. 

Le groupe n'a jamais été si loin dans la réalisation d'un album de rock progressif authentique, ni dans la rigueur narrative d'une histoire, peu importe qu'elle soit (d'ailleurs littéralement) à dormir debout. Mais c'est aussi du pur ELO pour la première fois, avec cet enchaînement entre ballade langoureuse, influence lointaine d'une certaine idée du jazz (Nobody's child), et un soupçon de funk (lent, indolent même) qui sous-tend Laredo Tornado. Et s'il assume désormais toutes les parties vocales (avec un lyrisme de plus en plus évident, qui lui vient de ses idoles des années 50 et 60) Lynne permet aussi à un de ses musiciens d'exister à travers d'impeccables parties de piano: rappelons que Richard Tandy est le seul des membres du groupe à s'être maintenu plus ou moins dans l'équation jusqu'aux années 2010.

Bref, en dépit des apparences, tout ça n'est pas bien sérieux, mais... c'est justement pour ça qu'on aime cet album, car en dépit du mot (usurpé, je pense), de Symphony, Eldorado est surtout de la pop, du fun. Un disque profondément Anglais (en dépit de la pochette tirées du technicolor du Magicien d'Oz) et totalement séduisant qui fournit allègrement près de quarante minutes de plaisir... 

 

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