Blur Think Tank (Parlophone, 2003)

Sous l'emballage, signé de Banksy (Caution "street art" oblige, pourtant le disque est loin de se cacher derrière un mouvement, une culture isolée ou quelque récup' artistique que ce soit), se cache l'un des disques les plus atypiques de Blur. Un album qui a failli ne pas exister, ou qui a failli être le dernier. L'album est le fruit d'un travail d'équipe, avec un groupe déséquilibré, et des producteurs spécialistes du touche-à-tout, surtout électronique. Pourtant si l'album est officiellement produit par Ben Hillier, Norman Cook, William Orbit et Blur, ce n'est pas qu'une affaire d'électronique...

Après avoir cassé l'image Britpop en 1997 avec un album au titre plus qu'austère ("Blur"!), après avoir cassé la forme même des chansons avec 13 en 1999, les membres du groupe ont tous fait autre chose, et pour Damon Albarn, le septième album est donc né d'une espèce d'obligation de revenir à Blur...

Mais inévitablement, le disque se nourrit de toutes ces expériences, et se nourrit aussi de deux nouveautés: d'une part, Graham Coxon n'est plus là, le guitariste n'a pas pu venir à temps, et a trouvé le fait de ne plus être dans Blur assez confortable. Ensuite, le groupe n'est plus dans le confort de ses studios Londoniens, et l'enregistrement a essentiellement eu lieu à Marrakech, où les parties vocales ont même été captées sur une terrasse, en plein air...

Il en résulte un album tellement différent qu'on pourrait presque croire à une de ces expériences world-music dont Damon Albarn a le secret... Et par moments, Think Tank le bien nommé ressemblerait presque à un de ces étranges disques expérimentaux de Clash, comme Combat Rock ou Sandinista!, mais réussi: car il y a là de sacrés moments d'émotion, de belles chansons (La "chanson": Un format qui n'avait plus de sens sur 13, mais auquel ils sont revenus avec Out of time ou Sweet song: Ces gens sont des orfèvres en matière de construction...) et une foule de territoires sonores à explorer, à coller les uns aux autres. L'enregistrement au Maroc laisse d'évidentes trace sur les chansons aussi, comme en témoigne l'instrumentation de Out of time, ou les chansons Caravan ou Moroccan People's Revolutionary Bowls Club.

Avec ou sans Graham Coxon, qui n'est ici présent que sur une chanson, la fort belle et retenue Battery in your leg. Une fois passées les surprises de la première écoute, le déséquilibre sonore inévitable en l'absence d'u musicien qui prenait une sacrée place, on finit par se retrouver dans l'univers exigeant mais racé de Blur, pour la dernière étape avant... The magic Whip, le chef d'oeuvre de 2015, qui a marqué, cerise sur le gâteau, une vraie réconciliation des quatre membres du groupe, les mêmes depuis 1991.

Musiciens: Damon Albarn, Dave Rowntree, Alex James.

Ambulance - Out of time - Crazy Beat - Good song - On the way to the club - Brothers and sisters - Caravan - We've got a file on you - Moroccan People's Revolutionary Bowls Club - Sweet song - Jet - Gene by gene - Battery in your leg