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Spiral

De musique avant toute chose

Jellyfish Bellybutton (Charisma/Virgin, 1990)

En 1990, sortir un album de pop 60s/70s, sans synthétiseur apparent, et aux arrangements soignés, ça sonnait comme une incongruité, ou éventuellement un album de XTC! Mais c'est que les deux maîtres d'oeuvre de Jellyfish, Andy Sturmer et Roger Manning tournaient autour d'un concept proche de celui des Dukes of Stratosphear, justement. Les deux Américains, vivant à Los Angeles, et avec des entrées dans le monde musical local, souhaitaient expérimenter avec des chansons, des mélodies, des arrangements qui renvoient directement à cette période, mais en le vivant à 100% et 24 heures sur 24. de là est né Jellyfish, un groupe qui a existé durant six années, a enregistré deux albums, remarqués en Grande-Bretagne et au Japon, puis a disparu dans les poubelles de l'histoire, laissant derrière lui un groupe de fans qui a depuis grossi, grossi...

Une fois qu'on s'est fait au visuel (ces costumes!!), au côté ouvertement factice (le bassiste recruté pour les clips et les concerts, qui apparaît sur la pochette, ne joue pas une seule note sur l'album), on se laissera probablement charmer par cet album qui tient à la fois du plaisir coupable et de la madeleine underground! Un groupe éminemment Américain, qui sait y faire quand il s'agit de structurer une chanson, mais qui se revendique en un croisement d'un fils de Supertramp et d'un rejeton illégitime de Queen avec des relents d'ADN d'XTC, à une époque où il fallait soit jouer du synthé, soit casser des guitares sur scène en portant de chemises à carreaux, ça se remarque! 

Et puis les musiciens recrutés en plus des deux fort compétents fondateurs savent y faire. A Sturmer (qui joue de la batterie et chante, principalement) et Manning (claviers et chant), vient d'abord s'ajouter l'ingrédient essentiel qu'est le grand Jason Falkner (guitares, basse, chant), un musicien fabuleux. Et parmi les musiciens de studio qui ont participé, on trouve le grand John Patitucci, à la contrebasse, excusez du peu! Ce qui a motivé Sturmer et Manning dans ce château de cartes, c'était surtout de trouver le bon son et la bonne ambiance pour chaque chanson: lyrisme tendu pour The man I used to be qui ouvre le bal; Pop à chanter en choeur pour That is why; épopée de guitares pour The king is half-undressed (une chanson difficile en raison de la nécessité de chanter en jouant de la batterie, ce dont Sturmer se sortait sans problème sur scène); I wanna stay home est une halte en forme de ballade assez convenue, dans laquelle les sons de trompette en boîte manquent de conviction; She still loves him en revanche retrouve la tension intelligemment négociée (et un plaisir de guitares) du premier titre; All I want is everything sonne pour moi comme un titre de remplissage, avec son côté "faisons de la pop sur la plage"; Now she knows she's wrong, en revanche, avec ses sons directement tirés des années 66-67 (notamment le clavecin), fait mouche sans problème, comme une sorte d'avant-première de Spilt milk,le deuxième album très réussi; Bedspring kiss, délicat et un peu vain, est au moins une preuve de l'éclectisme des musiciens, avec son parfum de jazz latin; on retrouve le format de pop adolescente avec Baby's coming back et Calling Sarah, les deux derniers morceaux, très bien arrangés, avec ça et là un parfum qui les rapproche des Zombies ou des Beach boys.

Si chaque chanson n'est pas forcément du meilleur niveau, ce qui impressionne, c'est la volonté et l'énergie manifestée par ces jeunots certes un brin imbus d'eux-mêmes, avec leurs improbables platform-boots... Et le fait est que leurs chansons pop qui parlent des émois adolescents à l'époque de Nirvana (une provocation!) et qui furent critiqués parce qu'à côté de la plaque, sonnent aujourd'hui comme parfaitement intemporelles. Ils ont fait mieux encore avec leur deuxième album, mais ces dix hymnes de connaisseurs pour amateurs éclairés sont déjà une belle surprise, fort bien produite par Albhy Galuten, et sortie sur le label Charisma: celui qui a révélé Genesis dans les années 70. Certainement pas un hasard...

 

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