Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Spiral

De musique avant toute chose

The Clash Combat Rock (Columbia, 1982)

Après avoir mis à genoux la critique en trois albums, puis les spectateurs en trois disques d'un seul chapitre fascinant mais pas facile à digérer, leur triple album Sandinista!, les quatre Anglais s'attaquent à cette petite peuplade qui résiste encore et toujours à l'envahisseur Britannique... Les Etats-Unis d'Amérique. Rappelez-vous, Joe Strummer leur avait taillé un certain nombre de costards, à commencer par le très directe et sans appel I'm so bored with the USA (The Clash, 1977). Pour ceux qui ont encore du mal avec la langue de Sid Vicious, ça veut dire 'J'en ai tellement marre des Etats-Unis'...

Mais c'est pourtant ça, le but, devenir aussi important aux Etats-Unis qu'ils le sont devenus en Angleterre, et surtout s'installer dans le paysage musical local, qui les fascine. On le voit bien, entre le rock terrien et tellurique, fortement mâtiné de soul et de Rhythm 'n blues, de London calling (en 1979, qui savait pourtant si bien rester Anglais), et l'appropriation systématique de toutes les musiques du continent (Jazz, R'nB, funk, gospel, calypso, musique cubaine, disco, rap, tout y passe!) sur le mythique Sandinista!, les quatre Anglais ont prouvé que leur vision de la musique était désormais totalement dans la descendance de l'univers sonore des Américains, d'une Amérique qui bien sûr passe aussi par Cuba! 

Donc, après la farouche revendication d'indépendance de leur triple album auto-produit, le groupe fait appel à un producteur (Glyn Johns, pas un punk), recentre la production (exit les multiples albums, place à douze chansons sur une seule galette), et... se laisse aller à continuer à explorer les formes populaires telles qu'ils les entendent. Si Know your rights commence par une série de notes assez hirsutes, des imprécations de frère Joe Strummer (Connaissez vos droits, tous les trois), puis une attaque en règle de vos tympans à la Fender bien tranchante, le propos va bien vite s'assagir, car l'album est, mais oui, écoutable. Je veux dire par là que la part d'agression systématique, le côté "prends-toi ça dans la figure" du Clash est bel et bien révolu avec cet album... Car Jammin', le deuxième album, recycle un Bo Diddley beat un peu mou du genou avec des choeurs, Should I stay or should I go est un hymne simpliste pour les stades (en plus d'être une chanson sur le couple, une exclusivité de Mick Jones donc), Straight to hell reprend des caractéristiques du reggae, mais le ralentit pour une évocation généreuse et triste des boat people... Et la deuxième moitié commence par un funk endiablé, et surtout répétitif: Overpowered by funk, l'un des morceaux qui invitent Futura 2000, de la scène hip-hop New-Yorkaise... 

Les quatre musiciens, qui seront bientôt trois, ont beau poser sur la pochette en punks unis, sous le titre martial de leur album, ce n'est pas tant de combat qu'il s'agit, que de courber un peu l'échine. Pas face aux sirènes "commerciales", car l'album ne sonne absolument comme aucun autre disque contemporain, et garde un caractère unique, celui d'être à 100% un album du Clash. Mais en cherchant à rendre leur musique plus viable, plus aguichante, ils l'ont rendue aussi moins authentique; on se souvient qu'en réaction contre un deuxième album qu'ils jugeaient trop sage, trop propre (Give 'em enough rope, 1978), les quatre Anglais avaient gardé pour leur deux albums suivants une tendance à souligner les aspects brouillons, le côté festif des saxophones, les dubs foutraques de Mikey Dread étaient des éléments qui leur permettaient d'aller plus loin tout en gardant une identité spécifique. Mais ici? Beaucoup de chansons lassent, et pourtant elles sont toutes ou presque contenues sur les 3:50 règlementaires... Les effets à outrance (compression, chorus, et une certaine tendance à sonner métallique, un comble), les sales manies, une deuxième face qui accumule les chansons sans colonne vertébrale (Death is a star est un dernier morceau soporifique, Sean Flynn ne va nulle part) et on a du mal à suivre Paul Simonon dans une énième relecture du reggae (Red Angel dragnet) qui ne possède ni la simplicité gagnante de Guns of Brixton, ni l'inventivité de The crooked beat... Bref: c'est bien gentil, mais ce n'est sans doute pas ce qu'on attend du Clash. 

Restent deux constats: le plus novateur, finalement, c'était Topper Headon, qui a confectionné tout seul un pur joyau, le mythique Rock the Casbah dont il assume la batterie, la basse et le piano, prouvant qu'il a tout compris du funk et qu'il sait aussi en faire une parodie efficace, entraînant se copains à sa suite: les paroles qui vont dans tous les sens de Joe Strummer, qui lui aussi ne se prend pas trop au sérieux, les guitares rigolotes... Tout y est réussi, alors on ne peut que regretter que la récompense faite à leur batteur ait été de le virer. D'un autre côté, il dépensait £ 100 par jour en héro et en coke, ceci explique sans doute cela... Et puis le deuxième constat, c'est qu'on pourra faire la fine bouche autant qu'on voudra devant ce disque fait avec trop de préparation, par des musiciens qui n'en pouvaient plus d'être ensemble, et qui n'aiment plus tellement être The Clash, mais cet album s'est très très bien vendu: son but, faire craquer l'Amérique, a été atteint. Et il est, à sa façon, devenu un classique. Bof...

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article