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Spiral

De musique avant toute chose

The Clash Sandinista! (Epic/Columbia, 1980)

Face A: The magnificent seven / Hitsville UK / Junco partner / Ivan meets GI Joe / The leader / Something about England 

Face B: Rebel waltz / Look here / Crooked beat / Somebody got murdered / One more time / One more dub

Face C Lightning strikes / Up in heaven / Corner soul / Let's go crazy / If music could talk / the sound of the sinners 

Face D Police on my back / Midnight log / The equaliser / The call up / Washington bullets / Broadway 

Face E Lose this skin / Charlie don't surf / Mensforth hill / Junkie slip / Kingston advice / The street parade /

Face F Version city / Living in fame / Silicone on sapphire / Version pardner / Career opportunities / Shepherds delight

The Clash: Joe Strummer, Mick Jones, Paul Simonon, Topper Headon

Produit par The Clash

Singles: The call up / Hitsville UK / The magnificent seven / Somebody got murdered / police on my back

Sandinista! incarne à lui tout seul toute l'histoire du groupe Anglais: l'ambition et la petite histoire, la grandeur et la déconfiture, les grands idéaux et les compromis bizarres. Il est aussi une certaine image des excès à venir des années 80: la pléthore due à la démocratisation par le biais de l'arrivée du CD, la démultiplication de la musique à travers ces absurdes maxi qui contiennent trois remixes et deux instrumentaux d'une chanson qui ne fait que quatre minutes et trente secondes quand vous l'écoutez... La tentation d'être "indépendant" et de se joindre aux jeunes qui montent, mais une tentation qui s'exprime sur un album coûteux, sorti sur l'un des plus gros labels de son temps. Enfin, une vingtaine de chansons solides, mais six faces à remplir...

Après avoir sorti un double album irréprochable, et dont on ne s'est d'ailleurs jamais remis (Au cas ou l'on se poserait la question: je parle bien sûr de London Calling), The Clash pousse le bouchon très très loin. Difficile d'imaginer ça, à l'époque de la dématérialisation des disques, mais Sandinista! est un triple album, soit quarante-cinq minutes de musique, multipliées par trois! Un album qui est impossible (Et indigeste, mais c'est prévu) à écouter d'une traite, à moins de ne pas avoir grand chose à faire de ses journées. La raison d'être de cette fuite en avant vers toujours plus de musique est que le groupe essaie de faire pression sur sa maison de disques en les poussant à sortir plus de matériel, afin de se libérer plus tôt du contrat qui les lie... Et l'accueil du double album qui précédait a sans doute été pour beaucoup aussi dans cette surenchère, sans parler de l'atmosphère de travail délirante qui accompagne les sessions new-yorkaises...

Au menu? tout. Tout ce qui intéresse Joe Strummer, Topper Headon, Paul Simonon et Mick Jones, donc du rock'n roll (Somebody got murdered de Mick Jones qui se serait si bien trouvé sur London Calling, ou Police on my back, de Eddie Grant, soit du rock 'n roll Jamaïcain et avec une sacrée conscience sociale!), du jazz (Look Here, de Mose Allison), du reggae (One more time, Junco Partner, Crooked beat) du Dub (One more dub, et une foule d'autres thèmes détournés et remixés surtout sur le dernier des trois LP), de la disco (Ivan meets G.I. Joe, première contribution cruciale de Topper Headon), du funk qui flirte avec le rap naissant, profitant de l'absence du bassiste Paul Simonon durant deux semaines, et de son remplacement par Norman Watt-Roy (The magnificent seven, Lightnin' strikes), et même un hommage retentissant à la Soul des années 60. (Hitsville U.K.) dans lequel Mick Jones, accompagné de sa petite amie Ellen Foley dresse un hommage vibrant aux jeunes musiciens de la new wave et à leurs labels "libres"... Tant qu'à faire, le groupe expérimente avec le calypso (Washington Bullets), la valse (Rebel waltz), le gospel (The Sound of the sinners)... Ils font feu de tout bois, mais tout porte leur griffe; le tout est construit comme une exploration musicale sans limite ni arrêt pipi (Sauf un toutes les 23 minutes, en fait, le temps de changer de face ou de disque), mais il sort de cette vision totale, de la musique telle qu'on pouvait l'entendre en 1980, et annonce tout ce qui va suivre.

Et le disque n'exclut pas les scories, au contraire: il les souligne... après le premier disque, qui se contente de répéter pour don final la dernière chanson en version dub (One more time/One more dub), The Clash multiplie les dérapages contrôlés: If music could talk consiste en "deux chansons pour le prix d'une": une piste d'accompagnement, et une chanson différente pour chaque canal de la stéréo. Lose this skin est une chanson de Tymon Dogg, un copain de Strummer qui l'a ramené au studio, où il chante (Sa voix est une épreuve!) plus ou moins accompagné par The Clash... A partir de la cinquième face, les étrangetés se multiplient: Mensforth Hill, instrumental de remplissage, ou une version de Career Opportunities (Un des hymnes du premier album, quand même) massacré dans une interprétation de deux enfants... Quant à Silicone on Sapphire, c'est un dub de Washington bullets, qui donne l'impression de détruire le diamant qui lit les sillons au fur et à mesure de son avancée... D'une certaine façon, l'album contient ses propres faces B! ... Mais intégrées à l'album. 

On connaît le Clash pour son militantisme, on ne sera donc pas surpris: avec Sandinista! ils en profitent pour annoncer la couleur politique, au risque de se tromper... Toujours acerbes et juste quand il s'agit de décrire l'Angleterre (Et avec Thatcher, et les premières tentations ultra-libérales, The magnificent seven montre que Joe Strummer et sa bande étaient servis!), ils choisissent, ou du moins Strummer choisit de chanter un hommage à la révolution Sandiniste, dans le feu de l'action. Une révolution qui n'a pas fini à l'époque de la sortie du disque, et avec laquelle un Mick Jones un peu embarrassé prendra ses distances... Tout simplement parce qu'il ne la connaît pas! De toutes façons, le disque fait avec les causes ce qu'il fait avec la musique: tout y passe! La vie dans la rue, surtout New Yorkaise, les couleurs du carnaval de Notting Hill (Let's go crazy), le souvenir de Martin Luther King, les rues désolées de Kingston, le  souvenir des émeutes des environs de Londres. D'une certaine façon, en élargissant les situations et les histoires qu'ils racontent, de l'Angleterre des seventies, vers le monde entier des années 80, les membres de Clash montrent surtout que rien n'a changé, qu'aucun combat n'a abouti. A ce niveau, il faut bien le dire, le disque est encore très actuel, et pas seulement musicalement.

Mais si on s'en tient à la musique, que voulez-vous, Sandinista! a au moins le mérite de tout tenter, de s'amuser avec l'auditeur attentif, de fournir les chansons, en même temps que leur remix, en même temps que leur version dub... C'est aussi le testament d'un groupe de génies qui avaient tout dit, ne le savaient pas encore et qui allaient deux années plus tard avec Combat Rock sortir l'un des disques les plus infâmes de tous les temps... Mais là, si on a le coeur bien accroché, on en a pour des années de bonheur. Et je sais de quoi je parle...

 

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