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Spiral

De musique avant toute chose

Rantala Danielsson Erskine How Long is Now? (ACT, 2016)

Enregistré en juin 2015, cet album est l'oeuvre d'un trio, certes, composé du batteur Allemand Peter Erskine, du pianiste Finnois Iiro Rantala, et du contrebassiste suédois Lars Danielsson... Mais c'est aussi une démonstration impressionnante du talent du pianiste, qui signe sept des treize titres, deux autres étant dus à Danielsson, et un titre à Erskine. Les trois morceaux qui restent sont des reprises, et non des moindres: j'y reviendrai...

Car Rantala a clairement pris la direction du trio, ce qui est bien plus que la prime à celui qui a le plus de touches! Il a apporté en particulier le principe de base du trio, à savoir une nécessité de toucher juste et vite l'auditeur, par la brièveté et l'immédiateté des thèmes; accessoirement, il a été décidé aussi de donner aux gens qui écouteront l'album l'envie d'y retourner, d'où une incroyable lisibilité des thèmes, et la ligne claire permanente fournie par  ce qu'il faut bien appeler une rythmique de luxe!

Chacun des musiciens est un soliste accompli, mais là encore avec la plus longue des interprétations à 6 minutes, c'est un exercice en brièveté, et en structure... Généralement, Rantala assume une grande part de l'interprétation des thèmes, mais il partage beaucoup le podium avec Danielsson (notamment sur le merveilleux Taksim by night, l'une de ses deux compositions). Et les solos de batterie sont rarement laissés à la seule interprétation d'Erskine, les deux autres instruments lui fournissant une harmonie et une structure sur laquelle se placer...

Les trois reprises nous renseignent finalement assez bien sur l'ambition du projet, puisque il s'agit d'une composition de Kenny Barron, en ouverture de l'album: Voyage est sans doute le morceau le plus proche d'une vision du jazz moderne, dans la tradition toutefois. On serait surpris de la présence de Little wing, d'Hendrix, si Gil Evans n'était pas déjà passé par là... Du coup, peut-être inspirés par la lecture orchestrale du grand arrangeur, Rantala et ses copains le prennent comme un prétexte à structurer un morceau plus qu'un prétexte à improvisation. Mais quand ils improvisent, on admettra qu'ils n'ont finalement pas démérité de l'ombre géante du guitariste. C'est un sacré compliment... Enfin, le dernier morceau venu d'ailleurs est un Kyrie de Bach: le jazz, le rock classique, et le classique dans une lecture sacrée: le trio se forge ainsi une formidable base.

Parfois des traces de baroque se glissent aussi dans le tout, et il est vrai que Iiro Rantala, avec des influences aussi étendues (c'est lui le principal architecte de l'album, donc je me permets de lui attribuer ce grand écart entre Jimi Hendrix et Bach!), a su se confectionner un style qui lui permet de swinguer, certes, mais aussi de tisser le tango, de jouer des ballades qui sonnent comme de sensuels appels à inviter la petite voisine à danser, le samedi soir! Les fins, abruptes et pensées, nous font voir aisément que les trois musiciens ont de l'humour, en plus de swing (dru, c'est moi qui vous le dis), et des capacités (on dit des "chops" en anglais, et ces trois là on de serious chops, indeed). Et nombreux sont les moments qui nous resteront en tête, la superbe sobriété (avec rythmique soul légère) de Snapchat, par exemple, qui semble prendre son inspiration mélodique dans des chansons des années 1910 ou 1920; ou la beauté orientale de Taksim, déjà mentionnée; Bruno, dédié à l'un des deux fils Rantala (l'autre s'appelle Topi), est basé sur deux accords, mais swingue de A jusqu'à Z...

Donc on y reviendra, et d'ailleurs j'y retourne!

 

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