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Spiral

De musique avant toute chose

The Beach Boys Friends (Capitol, 1968)

Dans la tourmente de l'insuccès et de la gestion difficile des conflits internes, de la présence et de l'absence, aussi problématiques l'une que l'autre, du bon génie fatigué Brian Wilson (Toujours pas remis de l'échec personnel qu'il a subi en abandonnant son projet le plus ambitieux, Smile, au printemps 1967), Friends est l'album d'un groupe qui n'a non seulement plus du tout le soutien de son label, mais pas non plus le moindre crédit dans le public Américain. Les Beach Boys plus ou moins regroupés derrière Carl Wilson sont en train de se transformer en un collectif de chanteurs/compositeurs/producteurs qui font tous plus ou moins des disques dans leur coin, sans nécessairement solliciter la collaboration des autres: une situation qui va se poursuivre jusqu'à la mise en hibernation du groupe dans les années 80. 

Dans ces circonstances, et même si on admet que décidément, ce n'est pas Pet Sounds (on en est même assez loin), Friends est une heureuse surprise... Un disque qu'on n'attendait pas, et qui tente en dépit d'un enregistrement difficile à centraliser, de recoller dans la mesure du possible les morceaux entre les six membres du groupe: Bruce Johnston (Même s'il est fort discret) est désormais là pour longtemps, et commence lui aussi à s'impliquer en matière de production, faisant profiter les autres de son expérience des studios. Outre Brian, Carl et Dennis Wilson, Mike Love et Al Jardine, le disque est l'occasion pour le groupe de reprendre l'utilisation de musiciens de studio, mais en nombre nettement moins conséquent que sur Pet sounds ou Smile. Ce qui en sort, sur Friends, Wake the world ou Little Bird, est une qualité d'arrangements et d'interprétation plus que notable, après les égarements de Smiley Smile et la parenthèse "Soul music faite à la maison" de Wild Honey...

Après une courte introduction en forme d'apaisement (Meant for you, de Brian et Mike), Friends est le premier des classiques de l'album: le rythme, posé sur des balais et de la contrebasse, en est résolument du jazz en 3/4, et la qualité de la production est impressionnante. C'est une composition à plusieurs (Al Jardine y complète les trois frères Wilson), dont le message est clair: on oublie tout et on serre les coudes. Wake the world (Al et Brian) montre les Beach Boys faire des merveilles d'orchestration avec pas grand chose: le break de basse réverbérée sur fond de cordes me donnera toujours un frisson... C'est Brian qui chante, et le refrain accompagné de toute une famille d'harmonicas et d'un tuba est bienvenu. Là encore, le positivisme domine un morceau, qui se termine trop tôt.

Ce sont Brian, Carl et Al qui chantent sur Be here in the mornin' (Composé par Al, Mike en compagnie de Carl et Brian); si l'interprétation est sobre mais tout à fait adéquate, la production  magnifie un excellent morceau où tout le monde y va de sa contribution. Des mains extérieures sont venues travailler sur When a man needs a woman, en compagnie des Beach boys: le morceau est signé de Brian, Carl et Dennis Wilson, Al Jardine, Steve Korthoff et Jon Parks... Le travail de guitare est d'une grande précision, même si je ne sais pas à qui l'attribuer... L'excellente première face se termine sur un morceau sans paroles, dominé par des choeurs. La musique y est volontairement simple, faite d'une rythmique, d'un orgue, de percussions et d'un orgue qui prend beaucoup de place.

Anna Lee the healer: une chanson légèrement érotique, dont on murmure qu'elle pourrait avoir été influencée par Mike: celui-ci est le soliste en tout cas, sur un rythme chaloupé, d'un accompagnement simple: batterie et percussions là encore, basse et piano. C'est simple, oui mais c'est aussi une excellente chanson... Comme du reste Little bird (Dennis Wilson/Steve Kalinich), la contribution empreinte de soul de Dennis Wilson: celui-ci commençait à écrire dans son coin, avec des collaborateurs, des chansons superbes. Sa voix se fait de plus en plus éraillée, mais pour l'instant c'est encore un charme. ses idées de production sont impressionnantes, ici il fait merveille avec les cordes et les cuivres, et convoque un banjo tout droit sorti de CabinEssence. Dennis reste en place ensuite avec Be Still, une chanson également composée en collaboration avec Kalinich qui le met en scène seul devant un orgue. C'es nettement plus douloureux que la précédente, mais la beauté de l'introspection y est évidente. Busy doin' nothin' est une contribution en solo de Brian Wilson, qui se contente tout bêtement de raconter sa vie à ne pas faire grand chose de ses journées, sur un rythme franchement bossa nova: le travail a été confié à des musiciens de jazz, et ça se sent.

L'album se termine de façon curieuse, en deux temps: d'une part, Diamond head qui semble rééditer l'étrangeté de Pet Sounds, en convoquant des effets sonores aquatiques, et une instrumentation hawaïenne austère mais efficace: Lyle Ritz est le musicien qui joue du ukulélé, et qui a co-écrit e thème avec Brian Wilson, Al Vescovo et Jim Ackley. C'est tout sauf inoubliable, mais c'est sympathique... et c'est surtout nettement plus agréable à entendre que Transcendental meditation (Mike Love, Brian Wilson et Al Jardine): pour finir l'album, sous l'influence militante de MIke Love, adepte de cette discipline, les Beach Boys interprètent une chanson dédiée à la méditation, mais qui est volontairement grinçante et volontairement désagréable à entendre... En dépit d'une sections de saxophones, et d'un solo de ténorqui relève le niveau. Mais Transcendental meditation est sans doute l'unique morceau officiel de remplissage de l'album. 

Elle n'y changera rien, d'ailleurs: Friends, un disque qui aurait facilement pu être la simple exécution d'un contrat de la part des Beach Boys, groupe lessivé en 1968, mais qui s'avère une addition essentielle à leur discographie (Contrairement au disque suivant, 20/20, au pedigree incertain), avant que saut vers l'inconnu que constitue la fin de leur premier contrat avec Capitol...

 

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