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Spiral

De musique avant toute chose

Sly and the family Stone Life (Epic, 1968)

Le troisième album de Sly and the family Stone vient tout de suite après le carton de Dance to the music (le single et l'album)... On se serait attendu à une plus grande adhésion du public, mais ce n'est pas le cas, hélas. L'album est pourtant remarquable sur au moins deux points: d'une part, il évite de reprendre sans vergogne la même formule que son prédécesseur, et d'autre part Sly Stewart s'efforce de créer un ensemble de chansons qui partent dans tous les sens. C'est sans doute sous l'influence de certains albums de l'époque qu'il fait considérer le cas de Life: il y a un concept derrière tout ça, notamment en raison d'un commentaire "social" qui va s'affirmer de façon plus importante sur le prochain album, Stand, puis éclater au grand jour sur There's a riot going on.

Mais Sly and the Family Stone est l'objet de critiques: d'une part il assume, en particulier depuis Dance to the music, un rôle d'amuseur public, qui avait déjà été accolé en son temps à Louis Armstrong, et qui ne lui correspond pas. Certaines personnes souhaiteraient le voir rester dans cette catégorie, et d'autres, notamment les franges les plus radicales de la communauté noire, lui reprochent justement d'être trop facilement un avocat du rapprochement avec la communauté blanche (notamment en raison du fait que deux membres permanents du groupe depuis le début, le batteur Greg Errico et le saxophoniste Jerry Martini, sont blancs. Un conflit qui ne sera jamais vraiment réglé, dans la mesure où c'était un souhait conscient de la part de Sly Stewart d'ouvrir la porte de son groupe... On voit d'ailleurs dans la multiplication des musiciens sur la pochette, non seulement une affirmation du mélange, mais aussi une façon d'enfoncer le clou sur la présence de deux blancs à l'intérieur d'un groupe noir.

Mais en attendant, Life parle de l'Amérique de 1968, sous un angle inattendu: le multiculturalisme, le conflit des générations, l'intégration, mais aussi les rapports entre hommes et femmes, vus d'un point de vue qui n'a pas grand chose à voir avec la vulgarité affligeante de ce thème tel qu'il est exploité aujourd'hui dans ce qu'on appelle le R'nB. Et Sly, du début à la fin de Life, propose des chansons qui elles aussi renvoient à un creuset d'influences: du funk, oui, mais qui reste à l'écoute de la pop ambiante, et s'en nourrit sans la copier servilement. Le clin d'oeil aux Beatles sur Plastic Jim (Une mélodie qui renvoie à Eleanor Rigby) en est un bon exemple.

On commence avec Dynamite, dont la disposition rythmique renvoie un peu à Dance to the music, sans pour autant mettre en place les jeux permanents avec la structure. C'est une chanson assez classique, la "dynamite" du titre renvoyant à une jeune femme particulièrement affriolante. Toute la dynamique de la Family est en place, depuis la guitare volontiers acide du début, aux choeurs délirants, en passant par la basse fabuleuse de Larry Graham et aux injonctions et interjections soudaines de la voix de la trompettiste Cynthia Robinson.

Chicken est du funk, lancé par la batterie, les vents et une formidable partie de guitare du petit frère Freddie. Le début du chant est mémorable, avec un jeu permanent entre les ensembles et les solos, chaque personne à sa place: Larry Graham évidemment avec sa voix de basse, et Sly en maître de cérémonie. Ca ne dure que 2:25, mais c'est proprement fabuleux...

Plastic Jim: ça commence donc par une allusion à Eleanor Rigby, avec grand renfort de cuivres; les "plastic people" dénoncés dans la chanson par Sly Stone sont les gens aux convictions élastiques, qui sont des empêcheurs de tourner en rond. Des escrocs, des gens "faux"... La chanson se poursuit sur un rythme soutenu, avec en permanence des commentaires et quelques solos de Freddie Stone, à la Telecaster.

Fun: comme son nom l'indique, ce titre renvoie à la fête, ce qui chez Sly and the family stone, veut dire la fraternité et une certaine forme de communion. Tout le monde brille ici, avec les interventions notables de Freddie Stone, au chant, et le contre-chant fabuleux des vents, sur une rythmique soutenue par Errico et surtout Graham, qui ne s'arrête jamais. Un pont d'anthologie, avec un choeur, enfonce le clou: "Fuuuun! Fuuun! etc...". Ca donnerait presque envie de se joindre à la fête...

Into my own thing: ...ou comment revendiquer le droit à la différence. Sly Stone se place en prédicateur hip, alternant les vocaux en distribuant les rôles. Les guitares (il y en a deux, donc probablement Sly (Avec un fort taux de fuzz) et Freddie. Les trucs psychédéliques utilisés ici viennent en droite ligne de Dance to the music: fuzz sur la basse, piano honky-tonk, etc...

Harmony: on retourne à un peu de rigueur avec ce fabuleux morceau, qui alterne dans on introduction les phrases d'orgue et les vents. Les parties vocales sont toujours aussi impressionnantes, et Freddie Stone joue une guitare qui s'inspire clairement de la country music! Rose Stone est bien présente sur la chanson aussi, qui reste quand même, on l'aura compris, une affaire de famille. Une fin en forme de pont en 3/4 renvoie (un peu) à Plastic Jim, avant de laisser le dernier mot à la guitare.

Life: le morceau-titre est le premier de la face B; ça commence par une impression de cirque, avant que le groove ne s'installe. Le tempo est idéal, et une fois de plus Larry Graham assure la fondation avec génie. C'est Sly qui chante d'abord, soutenu par les choeurs. Life est devenu un classique en concert à l'époque. On notera que pour sa leçon de vie, Sly Stone donne l'exemple à ne pas suivre d'un "Mr Stewart". Le chant est ensuite assuré par Freddie, qui mène la chanson à la fin.

Love city: celle-ci, qui contient beaucoup d'idées qui croisent les genres favorisés par le groupe, est aussi devenue un classique des concerts, avec ses multiples possibilités de développement et d'interaction avec le public. On y entend un peu des "trucs" de Dance to the music.

I'm an animal: c'est Rose Stone qui ouvre le bal, avant un choeur ('I'm an animal") qui joue à fond la carte de l'humour. Après chaque couplet, le groupe se lance dans un passage psychédélique à souhait, qui tranche avec la rigueur du reste de l'album... Une petite halte bienvenue. L'alternance des voix et des ambiances continue jusqu'au bout. L'excellence des interventions de Jerry Martini (Au sax ténor) sur les ponts nous fait regretter qu'il n'ait jamais été vraiment mis en valeur sur les albums studio du groupe.

M'Lady sera lui aussi un classique des concerts, et est notable par son renvoi à Dance to the music, qui renouvelle pourtant le genre en introduisant de nouveaux jeux de voix, et le sax soprano de Jerry Martini. Une fois de plus, Freddie Stone se distingue avec un jeu de guitare totalement adéquat.

Jane is a groupee: on termine sur un portrait un brin méchant, mené dans du funk qui est à son plus brûlant, avec les guitares saturées, une partie de vents qui ne lâche rien, et la basse toujours aussi exceptionnelle de Larry Graham. La rigueur de l'exécution rattrape complètement le fait qu'il y a quasiment une idée nouvelle à chaque mesure.

En attendant un retour en grâce aux yeux du public avec Stand l'année suivante, Sly and the Family Stone est un groupe qui, y compris au sein de la scène acid-rock de Sa Francisco, affirmait de façon cinglante sa différence, en particulier sur cet album, qui est irrésistible de bout en bout. Et en boucle...

Les singles: Life, couplé avec M'lady, et Fun, couplé avec Chicken.

Sly Stone (Sly Stewart): Chant, claviers, guitares; Freddie Stone (Stewart): Chant, guitares; Rose Stone (Stewart): Claviers, chant; Cynthia Robinson: Trompette, interventions intempestives; Jerry Martini: saxophones ténor et soprano; Larry Graham: basse et chant; Greg Errico: batterie; avec le groupe vocal Little Sister aux choeurs.

Ecrit, arrangé, produit par Sly Stone.

 

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