Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Spiral

De musique avant toute chose

The Beatles Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (Parlophone/EMI, 1967)

Le huitième album des Beatles vient dans un contexte particulier: d'une part ce sont les années 60, et tout converge vers une explosion de créativité, de transformation majeure et profonde des arts populaires, d'une remise en question des formes et formats dans tous les domaines des médias: cinéma, télévision, littérature, jazz, musique classique, danse, et... musique populaire sous toutes ses formes. Dylan a sorti Blonde on blonde, les Byrds Fifth dimension, Simon and Garfunkel Parsley sage rosemary and thyme, Zappa et les Mothers of invention Freak out, les Beach boys Pet sounds, Donovan Sunshine Superman... Les Beatles ne sont pas restés en rade du mouvement, puisqu'ils ont participé eux aussi  la fiesta généralisée avec un album ambitieux (Revolver), et deux singles qui ont repoussé toutes les limites du genre (Paperback Writer/Rain, et Penny Lane/Strawberry Fields Forever). D'autre part, les Beatles ont cessé de tourner, pour leur plus grand soulagement. Ce qui leur laisse le temps, de planifier des révolutions dans leur vie d'artiste, à savoir le fait de prendre en mains leur destin via un label, Apple, qui verra le jour bientôt; ça leur laisse aussi le temps de maîtriser le studio que leur laisse EMI, à Abbey Road, avec le George Martin en résidence... D'où carte blanche, nuits blanches aussi pendant une période assez longue, qui s'étale de l'automne 66 au printemps 67. 

Sorti au très bon moment, on ne présente plus cet album kaléidoscopique, qui est ce que tout bon album pop devrait être: riche, fun, et ouvrant vers d'autres horizons. Menés avec une autorité visionnaire par le plus doué d'entre eux, ils font enfin à la fois ce qu'ils veulent et ce qu'il fallait faire, et le font bien. On n'a plus besoin de parler des heures durant de la créativité étalée ici, pas plus de la versatilité ou de la construction imparable du disque par lequel Paul McCartney a définitivement pris le contrôle, et inventé enfin la manière de faire un disque en studio... Et tout ça sans parler de la pochette...

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est aussi un concept album, et doublement. D'une part, il contient une sorte de "cadre" un peu bidon, avec les deux premières chansons en guise de continuité: elles installent l'idée selon laquelle les Beatles renaîtraient en cette fanfare, qui s'apprête à donner un concert. Le lien entre Sgt. Pepper's... et With a little help from my friends, renforce évidemment cette idée. Mais la pochette pointe aussi dans une autre direction, celle d'une renaissance, et celle-là, elle est palpable au niveau de la créativité, non seulement de Paul McCartney et George Martin, les deux principales forces en présence en matière de production (Les trois autres ont souvent reconnu s'être sentis un peu de trop à plusieurs reprises durant les séances...), mais aussi de chacun des compositeurs et musiciens.

Si Ringo Starr n'est pas ici crédité en tant que compositeur, mais ça viendra (en 1968 et 1969), il est le batteur exceptionnel qu'il a toujours été, mais particulièrement bien servi par le mixage. J'en profite au passage pour exprimer mon étonnement devant l'obstination des fans de batterie du monde entier à ne pas reconnaître son talent. Je leur laisse Jeff Porcaro, comme ça tout le monde sera content... Non, Ringo Starr a un style, une voix distinctive, une façon unique de propulser la rythmique, qui est ici constamment magnifiée. Paul McCartney, encore seul bassiste à bord (mais ce ne sera plus le cas les années suivantes), profite particulièrement bien des conditions, et les deux guitaristes, si l'album n'est pas une aventure foncièrement rock 'n roll, entament une mutation qui sera profonde, vers des sons de guitare plus modernes. Et en prime, il y a tout le reste: peignes, harmonica basse, mellotron, instruments de cuivre, bongos, marimbas... 

Et la composition se fait plus fouillée encore, après les deux chansons coup de poing qui ouvrent l'album: John compose la ballade psychédélique par excellence, Lucy in the sky with diamonds, et cherche dans le cirque une sorte d'esthétique à traduire en chanson (Being for the benefit of Mr Kite), avant de recycler avec bonheur le rhythm and blues (Good morning, good morning) comme pour répondre à Got to get you into my life de Paul (Sur Revolver); George, qui n'a ici qu'une chanson, n'y est entouré que de musiciens indiens, et ensemble ils enregistrent une impressionnante fusion des Beatles et de la musique traditionnelle lointaine; Paul s'amuse d'un rien: la contractuelle Lovely Rita, les 64 ans de son père (When I'm 64), les réparations à faire dans la maison (Fixing a hole)...

Et puis ensemble, Lennon et McCartney (qui signent toutes leurs chansons ainsi, et le feront jusqu'à la fin) s'allient sur deux splendeurs: largement pilotée par Paul, lancée sur une superbe partition classique arrangée par George Martin, She's leaving home montre qu'ils avaient compris avant tout le monde que le problème de la jeunesse en 1967, c'est d'abord et avant tout qu'ils s'emm... royalement; le final de l'album, quant à lui, est A day in the life, soit deux chansons, l'une de Paul, l'autre de John, qui n'avaient à l'origine rien à faire ensemble. maintenant elles sont collées pour l'éternité...

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article