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Spiral

De musique avant toute chose

Honeybus I can't let Maggie go / Tender are the ashes (Deram, 1968)

Comme le faisait remarquer le batteur Pete Kircher dans une interview pour la télévision Hollandaise à l'aube du XXIe siècle, on peut voir ce single de deux façons: d'un côté, un succès énorme, pas tant sur l'année 1968 (le titre n'ira pas au-delà du numéro 8 en Grande-Bretagne), mais depuis (Publicités, reprise systématique sur des compilations, etc...); de l'autre, cette chanson est le seul succès d'un groupe, sa seule chance qu'on se rappelle d'eux... et dans l'esprit du grand public, leur seule oeuvre, même. Ce qui est bien évidemment tout ce qu'il y a de plus faux!

Mais sans doute Pete Dello lui-même en est-il responsable: c'est lui qui, effarouché par le succès de Maggie, et les sollicitations des médias, non seulement en Grande-Bretagne mais aussi dans le reste de l'Europe, a pris la décision de se retirer de Honeybus dans le but de ne se consacrer qu'à du travail de studio.Une décision certes déjà prise par d'autres avant lui, mais Pete Dello, financièrement parlant, n'est ni un membre des Beatles, ni Brian Wilson... 

Selon Dello, Maggie proviendrait essentiellement de deux influences: d'un côté, le single Daydream de Lovin' spoonful, et de l'autre la Sérénade pour vents en Mi bémol majeur de Mozart (K 375)! De l'une, il souhaitait reprendre le défi qui consiste à interpréter une chanson pop et obtenir un succès sans rien déguiser d'une voix assez quelconque; de l'autre, il souhaitait reprendre le jeu unique sur les timbres des bois: basson, clarinette, hautbois, unis dans la légèreté de l'ensemble. Ca parait fou, mais l'écoute de la chanson finie valide effectivement cet étonnant pedigree!

I can't let Maggie go est une chanson relativement courte (surtout comparée à Hey Jude sortie la même année), mais d'une immense beauté: on entre dans le vif du sujet dès le début, et de deux façons. D'une part, Dello n'attend pas avant de nous asséner le coup de grâce! Les vents sont présents dès l'introduction... et ensuite, la chanson ne s'embarrasse pas vraiment d'une entrée en matière, on est tout de suite entraîné dans la suite d'accords sélectionnée, ce qui donne l'impression que la chanson peut durer éternellement. Les paroles, chantées sans aucun effet de voix par Pete Dello, seul, reste dans la description d'un pur bonheur, ce que le basson qui l'accompagne souligne avec discrétion. Rejoint par les autres, il chante le fameux vers, celui par lequel quiconque n'a pas le titre de la chanson peut malgré tout la retrouver: "She flies like a bird in the sky, she flies like a bird and I wish that I could fly"... Pete Kircher soutient l'ensemble avec maestria, les choeurs de Cane et Hare sont bien là: c'est un chef d'oeuvre.

On est un peu surpris en entendant la face B, bien sûr, mais on avait déjà eu deux singles de Honeybus offrant des chansons très contrastées entre la A et la B! Cette fois, Tender are the ashes, qui ressemblerait presque à un remake de The breaking-up scene, est une composition de Dello et non de Ray Cane. Non seulement le contraste est musical, entre la pièce baroque de la face A et le rock 'n roll gorgé de guitares de la face B, mais aussi dans les paroles, puisque si Maggie est la description d'un bonheur pur, solaire et enfantin, Tender are the ashes parle plus de la fin d'une relation, dans son ambiguïté: les paroles semblent provenir des mêmes sentiments que (Do I figure) In your life, l'excellent deuxième single.

Donc, voilà Honeybus érigé en "one-hit wonder" pour l'éternité. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, pourtant, de suivre le succès énorme de I can't let Maggie go par d'autres tentatives. C'est d'autant plus méritoire que pour le grand public, Honeybus était systématiquement assimilé à ce grand échalas timide et complexé, qui se cachait derrière ses guitares et se lunettes, et qui avait une voix si étrange... Le défi qu'allaient relever Ray Cane, Colin Hare et Pete Kircher était immense. 

Quant à Dello, il vit tranquille, partiellement d'une rente à vie qui lui est payée par... I can't let Maggie go.

 

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