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Spiral

De musique avant toute chose

The Turtles present The Battle of the Bands (1968, White Whale)

Les Turtles ont toujours été à part: venus un peu par hasard vers le succès, à travers des singes et des albums qui surfaient sur la vague du folk rock, initié par Dylan et les Byrds, et relayé en Grande-Bretagne par les Beatles, le groupe est le meilleur espoir du tout petit label White Whale, qui n'a pas grand chose à offrir à l'impitoyable compétition qui fait rage dans les années 60. Bref: des musiciens destinés à ne pas se faire remarquer, quoi... Oui, car ils sont musiciens; avec eux, pas de ces petits arrangements avec les requins de studios locaux, pas de séances avec les Carol Kaye, Hal Blaine et tous les autres: d'une part le label n'a pas vraiment les moyens de se payer les services de ces légendes, d'autre part s'ils acceptent de chanter ce qu'on leur propose, les Turtles tiennent au moins à garder la main sur tous les aspects de l'interprétation.

Et c'est là que, dopés par le succès non négligeable de leur single emblématique Happy together, et de l'album du même nom, leur troisième, le groupe et le label se sont entendus sur un concept. Un vrai de vrai, dans lequel les membres des Turtles garderaient tout le contrôle. Mieux: ils composeront la plupart des titres...

L'idée est simple, douloureusement simple: douloureux car ce genre de concept risque fort de gâcher la fête... Les Turtles ont imaginé une "compétition" entre divers groupes, chacun d'entre eux identifié par un genre bien précis de la musique populaire Américaine. Chaque chanson représenterait une formation différente... L'ensemble du disque reprend ce concept à son compte, les cinq membres du groupe incarnant à chaque fois l'un des groupes représentés, par exemple sur des photos présentes au beau milieu de la pochette (Photos reprises pour quatre d'entre elles, sur deux singles extraits de l'album).

Dans l'ordre: 

1 The U.S. Teens featuring Raoul – The Battle of the Bands (Nilsson/Douglas): le premier morceau, celui qui sonne le plus "classique", est dû à la plume de Harry Nilsson, qui avait déjà assisté le groupe pour un single précédent, the story of rock 'n roll (Qui représentait de manière évidente un ballon d'essai pour cet album...). Une manière prudente de commencer et de lancer l'idée. En dépit du nom de groupe choisi, le titre sonne surtout comme un morceau typique des Turtles, versant "sérieux": comme une outtake de Happy together, en fait, avec une belle section de cuivres un brin tonitruante...

2 The Atomic Enchilada – The Last Thing I Remember, the First Thing I Knew (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): dans lequel les Turtles parodient sans vergogne, en y prenant beaucoup de plaisir, le rock psychédélique ambiant... Avec un recul sur les sales manies en vogue, qu'on n'aurait pas oser imaginer en 1968. Le nom de groupe indique clairement le manque de sérieux total de l'entreprise... D'ailleurs, c'est très probablement Mark Volman, le "chanteur de trop" des Turtles, qui interprète ce morceau.

3 Howie, Mark, Johny, Jim & al. – Elenore (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): les Turtles savaient que leur patron Bones Howe, allait leur demander tôt ou tard Happy together 2! Devançant l'appel, ils l'ont écrit eux-mêmes, en étant persuadés que le label allait comprendre la blague... Ils ont adoré le morceau, et les Turtles ont du pousser le canular jusque au bout. D'où le pseudonyme transparent, car après tout Elenore, c'est vraiment furieusement les Turtles, et personne d'autre! Et le pire c'est que ce morceau écrit afin de se moquer... est une irrésistible merveille. Sorti en single, il a atteint le numéro 6 sur les charts de Billboard.

4 Quad City Ramblers – Too Much Heartsick Feeling (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): chanté par Jim Pons, cet exercice de style est une ballade country parfaitement fonctionnelle... Et pas grand chose de plus.

The L.A. Bust '66 – Oh, Daddy! (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): sous des allures acoustiques, ce morceau est sans doute celui qui ressemble le plus au pop-folk des deux premiers albums.

The Fabulous Dawgs – Buzzsaw (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): un quasi intrumental, qui servit de face B, et qui est là encore si ce n'est génial, parfaitement fonctionnel, avec une partie de Hammond très engageante... Une nouvelle preuve que les Turtles se sont pris avec intelligence au jeu du pastiche.

7 The Cross Fires – Surfer Dan (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): Al Nichols le dit lui-même: il lui a fallu remonter trois ans en arrière: abandonner les habitudes prises, et retourner au matériel utilisé à l'époque (1963-1965) par la première incarnation du groupe, qui se faisait à l'époque appeler... The Crossfires. La chanson est de la pure surf music, quant au nom choisi... Une fois de plus les Turtles se cachent à peine derrière leurs créatures.

8 Chief Kamanawanalea and His Royal Macademia Nuts – I'm Chief Kamanawanalea (We're the Royal Macadamia Nuts (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): il fallait sans doute un truc idiot. Par exemple, Happy together, l'album, se finit sur une des chansons les plus hallucinantes qui soient, gâchées par une interprétation vocale (Volman? Sans doute) tellement exagérée qu'elle est volontairement insupportable. Ici, le groupe explore le versant "pacifique Sud" de l'Amérique, et... ne fait pas dans la dentelle. Typiquement, le morceau a été samplé un nombre incalculable de fois.

9 Nature's Children – You Showed Me  (McGuinn / Clark): Une petite merveille, là encore qui a été un grand succès pour le groupe, ce qui fait qu'on n'explique pas le flop de l'album. Sous la nudité de la photo de groupe, se cache probablement le fait que pour Kaylan, dont la voix ici est une fois de plus celle d'un ange, cette chanson est à prendre au premier degré. C'est une reprise totalement réarrangée des Byrds... Méconnaissable, et sublime.

10 The Bigg Brothers – Food (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): une recette de brownie avec "ingrédient spécial" non identifié. Hum. Les Bigg brothers ont l'air d'être des jazzmen psychédéliques, qui s'amusent un peu avec un tempo de valse. C'est amusant...

11 Fats Mallard and the Bluegrass Fireball – Chicken Little Was Right (Barbata, Kaylan, Nichols, Pons, Volman): déjà sorti en face B d'un single, ce titre est l'inévitable contribution "hillbilly" du groupe. Un contraste saisissant, donc, avec ce qui la précède... La version de l'album a été enregistrée de nouveau.

12 All:  Earth Anthem (Bill Martin): cette chanson est signée de Bill Martin, qui était un ami... des Monkees. Ca pousse forcément un peu à la comparaison entre le faux groupe de la télévision, et ces Tortues qui aimaient tant se prendre au sérieux quand ils faisaient les imbéciles... Il n'empêche que la chanson est belle, et chantée ici comme You showed me: au premier degré. Avec des arrangements ambitieux, dont un cor d'harmonie qui prend toute la place au début.

Ce dernier titre est supposé être "choral", et permettre à tous les protagonistes de revenir sur le devant de la scène... Il permet surtout de se raccrocher à une idée "divine" de la musique. Ce qui n'est en rien une contradiction pour un groupe qui avait eu l'envie de ne pas trop se prendre au sérieux: ils ont juste repris le concept de Sergent Pepper's Lonely hearts club band, qu'ils ont poussé jusque au bout. Le résultat? Un disque bien plus soigné que leurs trois premiers, car ils ont eu la possibilité de le bichonner en compagnie du producteur Chip Douglas, qui les a laissé faire. Et si la définition d'un bon disque est "une oeuvre meilleure que la somme de ses chansons", alors The battle of the bands est un excellent album des Turtles.

Singles: 

She's my girl/Chicken little was right (1967)

Elenore / Surfer Dan (1968)

You Showed Me / Buzzsaw (1968)

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