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Spiral

De musique avant toute chose

Donovan Sunshine superman (Epic, 1966)

On ne mesure pas à quel point le riff de contrebasse qui ouvre cet album, sur la chanson qui en porte le titre, est une révolution. C'est bien simple, on n'a jamais entendu quelque chose d'approchant, de cette chanson folk psychédélique aux accents de jazz... Pas plus d'ailleurs que le reste de l'album. Pour bien faire, il faut en créditer Donovan P. Leitch, bien sûr, dandy et hipster militant, les oreilles totalement ouvertes à tous les mélanges, et qui a décidé de troquer sa casquette de Dylan du pauvre (il a réalisé deux albums de folk particulièrement orthodoxe) pour le costume coloré du troubadour lysergique... Avec ses ambiances indiennes, l'utilisation novatrice de sitar, de mellotron et d'ensembles plus taillés pour la musique de chambre que pour le rock, cet album explore, le premier, tout un univers qui sera une révélation pour toute la planète pop... Et c'est Donovan qui l'a voulu. Mais il ne faut pas oublier non plus Mickie Most.

Ce producteur, noté auparavant pour ses séances avec les Herman's hermits, ou la chanteuse Lulu, a en effet trouvé en Donovan l'artiste idéal pour tenter le cross-over absolu, un mélange permettant toutes les combinaisons, entre jazz, folk traditionnel, les inspirations médiévales, et le rock en pleine mutation: les Beatles viennent d'enregistrer Rubber soul, et 1966 sera l'année de Revolver, mais aussi de Paint it black, Eight miles high, ou encore Pet Sounds... Et Sunshine Superman.

Sunshine Superman, la chanson, sera donc le fer de lance de la révolution de Donovan: comme je le disais plus haut, rien ne nous a préparé, dans la carrière du chanteur, à l'entendre un jour à la tête d'une telle chanson, dans laquelle l'instrumentation se veut à l'avant-garde de tous les genres, tout en restant essentiellement acoustique: Mickie Most et Donovan ont convoqué Contrebasse (Spike Heatley, un jazzman orhodoxe), des percussions, la guitare de Jimmy Page (qui cachetonnait très souvent chez Most, et a souvent enregistré pour Donovan), et John Cameron aux arrangements, qui a aussi fourni la piste de clavecin. La chanson de Donovan, suite d'impressions sur le Londres de 1965-1966, est une sorte de bande-son parfaite de l'époque. Symboliquement, elle a été enregistrée en janvier 1966: coup d'envoi d'une belle d'une très belle année.

Legend of a girl child Linda en revanche est une chanson folk plus traditionnelle... tout en inaugurant le flirt de Donovan avec les ambiances médiévales. Une sale manie, diront certains, mais je trouve qu'il y est parfaitement à son aise. Mais comment ne pas évoquer l'arrangement fabuleux de John Cameron, qui donne de la variété là où il n'y en a pas, alternant les ensembles plus touffus (Cordes notamment) et les arrangements plus austères. Un terrain de jeu idéal pour expérimenter en permanence sur la matière sonore (uniquement des instruments acoustiques, vents et cordes), pendant que Donovan cache sa frustration adolescente (le morceau parle sans doute de Linda, la fiancée qui est partie, et qui sera derrière deux chansons sur trois dans les quatre années à venir...) derrière une sorte de fausse légende Arthurienne. Intrigant, voire hypnotique, la voix de Donovan, calme et sans passion aucune, adopte pourtant le ton de la confidence...

Three king fishers nous rappelle qu'on est en 1966, avec une instrumentation qui repose sur les instruments Indiens. ce qui nous informe que la chanson a été enregistrée à Los Angeles, en compagnie du guitariste Shawn Phillips, qui est amené à réaliser un impressionnant solo de sitar. Donovan a lui aussi touché à l'instrument, mais je pense qu'il est surtout le guitariste prudent qu'on entend derrière Phillips... La chanson continue sur le mode "conte Arthurien" de la précédente, sans jamais vraiment livrer son sens.

Ferris Wheel est aussi marquée par les sons psychédéliques, avec un motif de trois accords au sitar, et l'utilisation de percussions qui imitent les tambours Indiens. Sinon, eh bien, une basse (Bobby Ray), et la guitare acoustique de Donovan. La chanson est la description d'un moment de contemplation de la mer, depuis une grande roue... Un autre solo de sitar est situé vers la fin.

Bert's blues: après une introduction superbe à la batterie, la contrebasse de Spike Heatley (Fort bien enregistrée) nous indique que nous sommes confrontés à une chanson enregistrée à Londres. Le principal instrument ensuite, à part la guitare, est un clavecin... complété par un arrangement de cordes et de bois, qui changent complètement l'atmosphère du morceau. John Cameron est là encore amené à fournir une merveille... Le clavecin de Cameron effectue un solo troublant, avant un retour de la partie orchestrale, et un final qui met tout le monde d'accord, avec le retour des rythmes jazz, et une contribution au sax ténor (non identifié...). La chanson est essentiellement consacrée à la quête impossible de la perle rare.

Season of the witch est un classique de Donovan, dans un genre qu'on n'attendait pas avant cet album: la jam session, sur deux accords et un refrain. Les guitaristes Eric Ford et Jimmy Page complètent la partie de guitare Rickenbacker de Donovan lui-même. les paroles sont dans la lignée de Sunshine Superman: créer un effet, plus que véhiculer du sens. C'est l'une des chansons les plus reprises de Donovan. ...C'est aussi la plus facile!

The trip est associée à Sunshine superman, dont elle était la face B du single. C'est une production Anglaise, marquée par l'utilisation de'instruments rock essentiellement, avec la basse de John Paul Jones, et les guitares électriques de Ford et Page, plus la batterie de Bobby Orr. la chanson est une accumulation de flashes des années Carnaby Street, comme le sera Sunny South Kensington, sur Mellow Yellow.

Guinevere reprend la veine "médiévale", en plus poussé; on notera que le sitar est ici utilisé pour accompagner la guitare et produire l'effet d'un dulcimer. Au-delà, la chanson ne bénéficie que de la présence lointaine d'un violoncelle, et de percussions "à l'indienne". Sinon, bien sûr Guinevere, chanté avec une voix d'une infinie tristesse par Donovan, est consacré à la Reine Guenièvre, traditionnellement présentée comme l'épouse infidèle d'Arthur.

The fat angel est sans doute la chanson la plus étonnante dans la façon dont Donovan déconstruit en permanence la mélodie, et chante exactement comme s'il bénéficiait d'un arrangement de percussions, ce qui n'est pas le cas. Le chanteur, en fait, adopte une posture poétique qui l'éloigne de Dylan et le rapproche des poètes Beat. Sous forte inspiration Américaine, la chanson est accompagnée de basse électrique, de guitare acoustique, et des instruments indiens déjà présents ici ou là. La présence du'ne allusion au Jefferson Airplane nous renvoie à la première visite de Donovan à San Francisco. Et l'ambiance de la chanson me fait penser que l'allusion à la "pipe de paix", n'a probablement pas grand chose à voir avec les populations Natives Américaines...

Celeste, pour finir, est une chanson aux arrangements impressionnants; en particulier, c'est l'une des premières utilisation d'un mellotron dans la Pop music. A ce titre, Donovan est donc en avance sur les Beatles. Sous des allures de ballade, Celeste parle de transformation, celle de Donovan artiste qui passe du confort du folk, vers l'inconnu, tout en continuant à revendiquer son statut de troubadour (ou de Sunshine Superman, comme il se définit lui même...)... Ou transformation d'un éternel adolescent en adulte, qui continue à regarder les filles, mais constate qu'elles aussi changent. Ainsi, Donovan illustre cette position particulière de l'époue psychédélique comme étant un prolongement de ce qui a précédé, une sorte de passage, comme le vieillissement.

Une façon troublante de finir un album marqué par des allers et retours entre une musique contemporaine aux couleurs délirantes, et une inspiration torturée, celle des contes Anglais, tout à coup vidés de leur innocence pour se parer, eux aussi, des instruments de l'époque. Celeste finirait presque par cristalliser Sunshine Superman comme un album concept, dédié au saut dans l'inconnu, assumé à 100% par Donovan qui s'y découvre un style unique, et accomplit un chef d'oeuvre absolu: l'un des plus beaux disques des années 60, dans lequel pas une seconde n'est quelconque, et qui ne ressemble à aucun autre. ...ou presque: il aura une suite, à l'inspiration globalement similaire, elle s'appelle Mellow Yellow.

Avec Sunshine Superman, Donovan inaugure aussi une époque compliquée, durant laquelle son label Américain (Epic) et son label Anglais (Pye) ne parviendront pas à s'entendre, ce qui fait qu'à l'instar des Rolling Stones, les albums et les singles seront systématiquement différents d'un pays à l'autre. Pour ma part, j'ai choisi: les albums et singles que le poète Ecossais à contrôlés, sont sortis aux Etats-Unis chez Epic. la pochette ci-dessous est celle de l'album Anglais, plus tardif, et qui contient en fait un mélange entre les chansons de Sunshine superman et de Mellow Yellow.

 

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