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Spiral

De musique avant toute chose

XTC Oranges and lemons (Virgin, 1989)

C'est suite au succès certain de Skylarking et des deux disques des Dukes of Stratosphear que Virgin et XTC ont connu une sorte d'accalmie dans leurs rapports. Puisque la preuve était faite qu'il restait des possibilités d'une rencontre entre le grand public et le groupe le plus virtuel de la planète et qu'en plus cette rencontre prenait de plus en plus la forme d'une sorte de consécration sur les campus Américains (où le style de power-pop intelligente pratiquée par le groupe était érigée en exemple), direction les studios de Los Angeles, en compagnie de Paul Fox, producteur intelligent... et malin. Avec la batterie savante de Pat Mastelotto, et une promesse faite à Andy Partridge de lui laisser beaucoup plus d'opportunités de contrôle que disons sur Skylarking, tout était réuni pour une réussite... Mais voir plus bas.

Dès la pochette, absolument parfaite, les séquelles du passage des Dukes of Stratosphear sur cette planète se font sentir, et une bonne part des chansons semble se situer en référence à cette relecture 80s d'un psychédélisme à l'Anglaise, qui faisait déjà le sel de Skylarking...

En quinze chansons, partagées entre 12 pour Andy et 3 pour Colin, et sous la forme d'un double album, ce patchwork sans la moindre trace d'un concept est un album à deux facettes: d'un côté le plaisir d'enfiler les perles, quinze d'entre elles, avec le savoir-faire légendaire de songwriters aguerris qui en prime savent que cette fois ils seront écoutés; de l'autre une tentative sans grande subtilité de s'installer durablement sur le marché Américain. Et ça, ça veut dire gros son... 

Pourtant ça part de ce qui est sans doute la plus vaste collection de chansons, et celle avec le plus grand éventail de styles, qu'ait jamais proposé XTC: il se murmure que Moulding et Partridge auraient fourni à Virgin une soixantaine de thèmes avant de rencontrer l'approbation des directeurs artistiques. Et les quinze chansons présentes sont un bel échantillon: The garden of earthly delights, déluge de sons dans tous les sens, pour affirmer une fois de plus le credo Partridgien d'un paradis terrestre qui n'est autre que le monde (pourri) dans lequel nous vivons... Puis des affirmations appuyées de simplisme, Mayor of Simpleton (Partridge) ou One of the millions (Moulding), The loving qui tente de revenir à l'essentiel sous la forme d'une chanson pop parfaite; Here comes president kill again, qui donne une vision peu reluisante de la politique, ou encore King for a day avec lequel Moulding continue à s'éloigner un peu plus de la réalité... 

Les audaces ne manquent pas: recyclant toutes les formes de jazz possibles et imaginables, Miniature sun, Across this antheap ou Chalkills and children pour Partridge et Cynical days pour Moulding, revitalisent le son de XTC, et le rythme simili-bossa de Pink thing s'amuse à dérouler le tapis rouge à l'ambiguïté la plus salace (mon fils, ou mon pénis?)... Mais voilà: le son, justement: Paul Fox n'a pas fait dans la dentelle... Et Partridge qui a toujours apprécié le temps du studio comme une plate-forme d'expérimentations, et une sorte de terrain de bataille personnelle, lui a sérieusement emboîté le pas: Moulding et Gregory ont toujours dit qu'il était mauvais signe que leur leader maximo s'entendent avec les producteurs de leurs albums, et on voit très bien où le bât blesse: trop, c'est trop... Cet album impeccablement écrit, interprété, est un peu gâché par un excès de soins et une production trop riche... Voyez Merely a man (d'ailleurs placée sur l'album à la demande expresse de Paul Fox qui souhaitait que le groupe s'attelle à un morceau typique de hard rock FM, le résultat est une bouillie du pire mauvais goût, qui renvoie à Sergent rock, le second degré rigolo en moins... Et si Hold me, my daddy est une des plus belles chansons de XTC, comment expliquer que le son global avec la frappe puissante de Mastelotto mise en avant, vienne presque le gâcher?

Et le pire c'est que cet album ne transformera l'essai de Skylarking que sur la distance. Une déception commerciale qui vient s'ajouter à une réussite artistique certaine, mais en-deçà des espérances: on a appris, avec le temps, à attendre énormément de XTC, donc vraiment beaucoup plus que cet album ni indigne, ni majestueux. Rendez-vous sur Nonsuch, pour une vengeance spectaculaire en forme de chef d'oeuvre!

 

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