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Spiral

De musique avant toute chose

XTC English Settlement (Virgin, 1982)

Face A: Runaways (Moulding)*Ball and chain (Moulding)*Senses working overtime (Partridge)*Jason and the argonauts (Partridge)

Face B: No thugs in our house (Partridge)*Yacht dance (Partridge)*All of a sudden (It's too late) (Partridge)

Face C: Melt the guns (Partridge)*Leisure (Partridge)*It's nearly Africa (Partridge)*Knuckle down (Partridge)

Face D: Fly on the wall (Moulding)*Down in the cockpit (Partridge)*English roundabout (Moulding)*Snowman (Partridge)

Produit par Hugh Paghdam et XTC

musiciens: Andy Partridge, Dave Gregory, Colin Moulding, Terry Chambers.

Sorti le 12-02-82

Singles: Senses working overtime (01-82), Ball and chain (02-82), No thugs in our house (05-82)

English Settlement, sorti en 1982, est l'album de la cassure pour XTC: poussés par Virgin à faire comme d'habitude, c'est à dire à tourner dans le monde entier pendant onze mois sur douze pour promouvoir le nouvel album, le groupe va finalement laisser tomber en cours de tournée, suite à la réalisation par Andy Partridge de sa volonté de ne plus jamais faire de scène. C'était dans les premières minutes d'un concert Parisien... Un événement qu'on ressasse depuis, sans en comprendre totalement le sens, car seul celui qui l'a vécu de l'intérieur, finalement, pourrait en décoder la portée.

Tous les singles du monde, tous les succès (Senses working overtime, troisième morceau de l'album, est grimpé jusqu'au numéro 12 des charts Anglais) ne peuvent pas aider un groupe qui a "trahi" son public en ne venant pas au rendez-vous sur scène, et on peut sans doute dater à cette période le début du désamour entre le label et les trois membres qui resteront après cette désastreuse affaire. Terry Chambers, peu enclin à trouver son bonheur dans une activité désormais réduite au studio, a tiré sa révérence une année plus tard.

Pourtant, il y a beaucoup à glaner sur ces 75 minutes: des guitares, acoustiques (Partridge joue d'une Martin qu'il ne quitte plus, et ça s'entend) comme électriques (Dave Gregory privilégie ici une merveilleuse Rickenbacker 12 cordes), qui renvoient à une musique totalement Anglaise, au sens terrien du terme, des percussions à la fois tribales et médiévales dans leur agencement, des mélodies venues du fond de l'inconscient des deux Anglais du Wiltshire que sont Partridge et Moulding, et des arrangements superbes dus essentiellement à la patte de Dave Gregory et sa science des guitares. C'était probablement injouable sur scène tellement ça semble fragile, après tout, et on a l'impression que finalement, English Settlement, ses 12 cordes, ses basses fretless et ses peaux détendues, c'est la véritable naissance d'un grand, très grand groupe.

Et l'affirmation de leur maturité passe aussi par une affirmation d'identité: anglaise, ça oui; terrienne, je le disais plus haut, et quel meilleur symbole, quand on vient de la région qui les a vus naître, que ces gigantesques créatures dessinées à même la craie dans les collines? D'où la présence magnifique, comme un étendard, de ce cheval stylisé, le cheval d'Uffington qui depuis lors symbolise autant XTC que les "chalkhills" autour de Swindon...

Un cheval de craie, sur ces collines vertes, désormais indissociables de cette lente et prometteuse montée des guitares, toute en suspension, au début de Runaways. Des accords tranchés et des peaux qui résonnent pour Ball and chain. De ces bruits d'oiseaux, dans une campagne que l'on devine automnale, au début du mystérieux Senses working overtime... C'est encore ce cheval majestueux qu'on "voit" en entendant l'extraordinaire odyssée presque progressive de Jason and the argonauts, en écoutant le rageur et ironique No thugs in our house: une exception électrique sur un album moins incisif que les précédents. Pourtant c'est digne du Andy Partridge de Respectable street (sur Black sea) qui décrivait une rue à partir des petits travers de ses habitants. Là, c'est l'histoire d'un couple qui se refuse à admettre que leur fils est un petit hooligan raciste, et tente de le défendre devant les autorités...

Que dire d'autre? Yacht dance, avec son folk militant (entrecoupé d'une excitante partie de guitare amplifiée... All of a sudden, une ballade poignante qui s'avère être une des premières "chansons de désamour" (il la décrivait comme une "lck-of-love song" à l'époque) d'un auteur qui en écrira beaucoup, et qui contient les mots suivants: Life's like a jigsaw, you get the straight bits, but there's something missing in the middle... (la vie c'est comme un puzzle, on trouve facilement les bords droits, mais il y a quelque chose qui manque au milieu).

Le groupe réussit à élargir son champ d'observation, avec Melt the guns, une demande radicale de "fondre les armes", une observation qu'on pourrait toujours faire des années plus tard. Le rythme de cette chanson est indescriptible, et nous rappelle quel grand groupe novateur était XTC à l'époque de l'équipe Terry Chambers - Colin Moulding... Surtout quand celui-ci était à la basse fretless. Leisure et Knuckle down sont encore d'excellentes chansons, peut-être plus traditionnelles, du groupe (mais dotées de parties de guitare toujours aussi inspirées de Dave Gregory), mais It's nearly Africa semble anticiper une mode qu'on appellera la World music de quelques années. Down in the cockpit offre avec énormément d'humour une vision pro-féministe du monde, sur un rythme endiablé de quasi-ska; Fly on the wall et English roundabout sont deux morceaux un peu mineurs de Moulding, mais son savoir-faire y est toujours aussi évident (et le second contient un solo de guitare acoustique amplifiée, une petite expérience à laquelle Gregory et Partridge se sont semble-t-il abondamment livrés). Enfin, Snowman, que Partridge avait joué dès les concerts de 1981, est une confession émotionnelle d'un artiste qui vient d'arrêter la consommation de valium, sur un tapis de guitares et de sons qui montrent une telle maitrise des textures qu'on est sans voix. Et la production de Padgham lui rend particulièrement justice, avec sa partie de piano céleste...

Notons pour finir que cet album a connu un certain nombre d'avatars: double, simple (avec deux listings différents suivant les continents), et une version CD qui enlevait deux titres. Profitons en d'ailleurs pour regretter ici l'absence d'un titre que Colin Moulding a sans doute souhaité enlever avant la sortie, et qui aurait trouvé sa place sans aucun problème sur la face B, entre Yacht dance et All of a sudden: Blame the weather et son piano rêveur allait quand même être éditée, en premier morceau de la face B du EP Senses workng overtime

...Mais pour écouter cet album indispensable, la seule version qui vaille: le double bien sûr.

 

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